La liberté, rien que la liberté

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lundi 31 mai 2010

Cameroun : La mauvaise politique du régime BIYA risque de faire sombrer la sous-région



La situation risque de dégénérer



Après le rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), et les plaintes portées par la diaspora contre le président le la République Paul Biya pour des malversations et exécutions, voici le tour du rapport de l'International crisis group (ICG) annonçant la menace d'une implosion imminente... Lorsqu’un journaliste avait dit dans une émission de débat que les germes d'un coup d'Etat sont rassemblés, cela lui avait valu d'être convoqué dans un conseil de sécurité mixte régional pour subir des intimidations et des menaces de toutes sortes.

Voici un rapport de l'international crisis group (ICG) qui va plus loin. Pour soutenir leur thèse d'une tension qui pourrait dégénérer à tout moment au Cameroun, l'International Crisis group (ICG) estime que «La stabilité apparente du Cameroun dans une région turbulente ne peut pas être considérée comme étant acquise. La cooptation des élites grâce à la distribution des ressources de l’Etat, et l'émigration de nombreux jeunes éduqués fournissent une soupape de sécurité contre les tensions, mais l'échec de la réforme et le maintien de pratiques caractéristiques de la mauvaise gouvernance ont amené beaucoup de Camerounais à ne plus croire en l'Etat de droit ou en la possibilité d'une transition politique pacifique». Conséquence, la période précédent les prochaines consultations électorales, dont la plus éminente est la présidentielle de 2011, est latente à une crise grave.

«De multiples risques de conflit existent à l'approche des élections présidentielles de 2011 et au-delà». Doit-on prendre ce rapport au sérieux ? Difficile de se prononcer. Si ce n'est pas le premier rapport explosif en la matière, il est à noter que ce rapport qui se veut profond est le premier de cet organisme sur le Cameroun.

Pour étayer leur rapport, l'ICG donne l'impression de n'avoir lésiné sur aucun détail. Puisqu'il est allé puiser dans les racines historiques de l'impasse actuelle pour analyser la situation actuelle et avenir du Cameroun. «L'histoire du Cameroun révèle un schéma de périodes de stabilité apparente suivies de crises violentes. Au cours de longues périodes (début des années 1950, années 1970), les problèmes ont été masqués sans être résolus. A la fin des années 1950, des troubles généralisés ont accueilli l'interdiction du principal parti opposé à la domination française, et se sont transformés en une longue et sanglante guérilla. L'indépendance est accordée en 1960, mais dans un contexte de violences étendues. En 1961, alors que la partie Sud du Cameroun anglophone sous domination britannique vote pour rejoindre le Cameroun francophone, le Nord choisit de rester au sein de la fédération nigériane». Et de poursuivre «La fin des années 1960 et les années 1970 marquent une période de paix relative. Le régime nourrit une obsession pour l'unité et la stabilité après les traumatismes des années 1950, mais, après avoir combattu l'unique véritable mouvement de libération, il manque de légitimité historique. Il est autocratique, et le pluralisme et la diversité sont accusés de menacer de manière inacceptable le projet de construction de la nation. Néanmoins, l'économie croît, et un réel développement prend place».

Sous la deuxième République
Seulement, poursuit le Rapport du ICG, Le climat social sous la deuxième République n'est pas un cours d'eau tranquille. «La démission du président Ahidjo en novembre 1982 et la transmission du pouvoir à son Premier ministre, Paul Biya, se passe tout d'abord en douceur Mais très vite, les tensions émergent, et aboutissent en avril 1984 à une tentative de coup d'Etat, dont on accuse les partisans d'Ahidjo. Elle est violemment réprimée et n'est suivie d'aucun processus de réconciliation, et le traumatisme de cette époque demeure une source d'amertume parmi beaucoup d'habitants du Nord, la région d'origine d'Ahidjo. Parallèlement, certains Camerounais du Sud, y compris dans les forces de sécurité, ont un sentiment d'inachevé et craignent des actes de vengeance communautaire suite à la répression de 1984».

Même le retour au multipartisme au début des années 1990, ne va pas garantir cette paix sociale que le régime Biya clame à cor et à cri. Au contraire, il semble porter les germes de sa propre destruction. «...des partis d'opposition voient le jour, et des élections multipartites sont organisées. Pendant deux ans et demi, le régime est sérieusement menacé dans les bureaux de vote et dans la rue, et les frustrations provoquent des violences généralisées en 1991. Mais après avoir survécu à ce nouveau défi, le président Biya et son parti parviennent à faire reculer les réformes et restaurent un régime autoritaire derrière une façade de pratiques démocratiques».

A cela s'ajoute la non redistribution des fruits de la croissance auxquels tous les camerounais ont sacrifié et contribué. «Aujourd'hui, le projet de construction nationale semble à bout, alors que l'économie stagne et que le chômage et les inégalités s’accroissent. L'économie est tirée en arrière par la corruption et l'inertie, et la population n'a vu que peu de la croissance économique principalement issue de l'exploitation des ressources naturelles du pays. Tandis que les forces de mobilisation potentielles sont faibles et dispersées, la colère populaire demeure forte». A contrario, on observe chez ceux qui gouvernent des gênes du totalitarisme. «Le régime a conservé ses vieux réflexes conservateurs, mais les expériences et attentes d'une population jeune ont évolué. L'opposition politique est affaiblie par des divisions internes et l'érosion de l'espace démocratique, ce qui limite les possibilités d'exprimer un mécontentement légitime. L'explosion de colère en février 2008, provoquée par la décision de Biya de faire modifier la constitution pour briguer un autre mandat présidentiel, a souligné les dangers de cette situation».

Similitudes avec les pays déstabilisés
L'ONG ICG y voit même des traits de cette instabilité potentielle dans une étude comparative avec des pays en guerre ou qui ont connu une situation sociale instable. Notamment dans l'épineuse question du renouvellement de la classe politique. «Le Cameroun partage un certain nombre de caractéristiques avec des pays qui ont connu un conflit civil, dont notamment des instances dirigeantes hautement centralisées et personnalisées, une manipulation politique des tensions ethniques et une corruption étendue. Même s'il parvient à surmonter les défis immédiats, la possibilité d'une détérioration, à long terme, qui provoquerait un conflit ouvert ne peut pas être exclue. En Côte d'Ivoire, une longue lutte pour la succession du président fondateur a posé les bases d'une guerre civile. Alors que le président Biya a maintenant 77 ans, et en l'absence de déclarations claires sur ses intentions, la question de la succession présidentielle ne peut qu'inquiéter».

L'ICG ne s'empêche pas de voir que les camerounais pourraient s'inspirer de la crise guinéenne. «Les événements en Guinée en décembre 2008, où un Etat de droit faible et la manipulation de la constitution ont servi de prétexte à de jeunes officiers pour prendre le pouvoir avec des conséquences désastreuses, invitent tous ceux qui s’intéressent au Cameroun à réfléchie La constitution et l'Etat de droit de façon générale y sont peu respectés. La fin de la présidence Biya, la deuxième seulement qu'a connue le pays, risque fort d'être tendue. Mais elle pourrait aussi être une occasion d'engager les réformes nécessaires à la garantie de la stabilité à long terme du pays».

L'ONG basée à Londres accuse la communauté internationale de complaisance. Elle "a souvent fourni une aide décisive au régime camerounais. Bien que cette aide ait été accompagnée de pressions en faveur de réformes, très peu d'entre elles ont vu le jour. Le danger est que le régime voit maintenant dans toute ouverture une menace fondamentale à sa survie et durcit ses positions à l'approche de l'élection présidentielle. La plupart des bailleurs de fonds et autres partenaires internationaux sont réticents à critiquer le régime et semblent prêts à tolérer son jeu du chat et de la souris de fausses réformes politiques et économiques.
Mais un Cameroun instable, ou simplement quelques années supplémentaires de mauvaise gouvernance, risquent de menacer une région fragile. Ces problèmes soulèvent des inquiétudes légitimes au- delà du Cameroun et suggèrent un cas classique de prévention précoce d'un conflit. Mais les intérêts particuliers internationaux et nationaux devront être remis en cause pour engager les changements nécessaires afin d'éviter l'instabilité. Les bailleurs de fonds devraient peser de tout leur poids, à la fois financier et diplomatique, pour envoyer un- message sans ambiguïté au gouvernement camerounais"
.

Mais alors, dans le sérail, on se demande bien l'objectif d'un tel rapport au moment où le Cameroun sort de la célébration controversée du cinquantenaire de l'indépendance. Mais à l'ONG «ce rapport se propose de mettre en lumière des sources d'instabilité potentielle afin de susciter une réflexion sur la manière de les appréhender». Il faut dire que Icg est créée en 1995 et a pour présidente Louise Arbour. Son objectif est de prévenir et de résoudre les conflits. L'initiative était de Georges Micthell, de Morton Abramwitz et de Mark Malloch Brown. Un trio décidé à «créer une nouvelle organisation dotée d'un personnel hautement qualifié agissant en tant que yeux et oreilles du monde face à l'imminence des conflits, et d'un conseil d'administration jouissant d'une grande influence et capable de mobiliser une action efficace.»

Ce rapport survient après celui du CCFD sur les biens mal acquis, les dénonciations du CODEe et les poursuites judiciaires de Paul Biya dans les tribunaux internationaux. Mais aussi celui de la revue américaine, Foreign Policy, de Août 2009, sur la situation politique et économique de quelques pays africains parmi lesquels le Cameroun. Il classait le Cameroun parmi les pays en «sursis» indiquant que le territoire «habituellement tranquille» a connu une agitation en fin février 2008. Tout ceci à cause du taux de chômage qui avait augmenté ainsi que la vie chère. Ou encore la modification de la constitution par le chef de l'Etat.
© Aurore Plus : ANDRÉ SOM

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