La liberté, rien que la liberté

La liberté, rien que la liberté

lundi 31 mai 2010

Cameroun : Paul Biya, un Président complètement coupé de son peuple



Escorte de Paul Biya : Un fantasme exotique !




L'un des signes patents qui indiquent que le chef d'Etat camerounais est coupé du peuple c'est la garde qu'il se donne lorsque les circonstances le contraignent à une «virée» hors du palais... La sécurité d'un chef d'Etat est une règle et une recommandation formelles. Le Cameroun comme d'ailleurs la totalité des pays tropicaux, ne fait que le suivisme au vu de l'héritage légué par la puissance occidentale. Les nations d'Afrique dans leur immense majorité s'en sont accommodées bon gré mal gré, mais sans excès ni exagération aucune. La sortie du chef d'Etat nigérian ou ghanéen, ivoirien ou burkinabé, congolais, béninois ou gabonais, sénégalais, sud-africain ou togolais, pour une cérémonie aussi bien dans la capitale qu'en dehors, bien qu'elle revête un caractère solennel, est perçue comme un événement qui s'inscrit dans une norme naturelle des obligations républicaines. Au Mali comme au Ghana, au Sénégal, en Côte d'Ivoire comme au Gabon ou au Bénin, au Burkina Faso comme en Afrique du Sud, les populations ne vivent pas en marge des dirigeants.

Des présidents aux côtés de leurs peuples
Il ne se passe pratiquement pas de semaine, de mois sans que le président Omar Konaré n'aille à la rencontre du Mali profond, à bord de sa Land Cruiser, se donnant souvent le plaisir de prendre lui-même le volant, avec comme escorte, deux ou trois voitures de même marque transportant une demi-douzaine d'hommes en tenue. Dans ses escapades, le chef d'Etat malien interroge ses compatriotes, devise avec eux et se prête volontiers à la tradition africaine qui veut que le «visiteur de marque» veuille prendre place sous un toit en paille et ingurgite du vin blanc avec ses compatriotes. Un Malien vient-il à peine de réaliser une œuvre, que le président a sauté dans sa voiture pour aller voir de ses propres yeux la réalisation. Feu le président Bongo du Gabon n'hésitait pas à aller au campus universitaire de Libreville pour chercher à comprendre le pourquoi de la fronde des étudiants, qu’il conviait par la suite au palais de la Rénovation pour un dialogue bien paternel et une solution au problème. Ali, le fils de son père, croit devoir faire mieux. Il a d'ailleurs annoncé la couleur, et de fort belle manière, à l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance du Cameroun à Yaoundé. Ali Bongo a emprunte un ton de discours tel qu'on ne l'a presque jamais entendu de la bouche des chefs d'Etat africains.

La nouvelle donne africaine
Un discours pour dire qu'il est impérieux que les dirigeants africains doivent mettre les jeunes au centre de leurs préoccupations et de leurs actions parce que c'est eux qui vont bâtir l'Afrique coûte que coûte et parce qu'ils représentent 80% des populations. Un discours aux allures on devrait dire révolutionnaires, et qui a dû mettre mal à l'aise le ghota présidentiel qui se trouvait au Palais des congrès à Yaoundé. Et alors que le cinquantenaire de l'indépendance du Cameroun a été l'exclusivité de Yaoundé, le tout nouveau et jeune président gabonais estime que le cinquantenaire de l'indépendance du Gabon devra étaler ses fastes sur tout le territoire. C'est ainsi qu'une caravane géante va, à cette occasion, sillonner lès 9 provinces du pays (au Cameroun c'est désormais les régions) pour que chaque Gabonais et chaque Gabonaise se sentent concernés et puissent y participer effectivement. Autre signal fort du chef d'Etat gabonais, l'interdiction formelle d'exporter encore la grume du pays pour l'Europe, le bois gabonais devant désormais être traité sur place avant de faire l'objet de vente à l'étranger, avec tous les subsides y afférents.

Laurent Gbagbo: la carte de l'apaisement
En Côte d'Ivoire, le président Laurent Gbagbo, chose inédite, vient de rencontrer, dans leurs résidences respectives, ses rivaux et non moins opposants, Alassane Ouatara et Bédié, au moment précis où la tension au sujet de la tenue de l'élection présidentielle plombait et risquait d'occasionner de nouveaux troubles dans le pays. Ce seul acte aura permis de ramener beaucoup de sérénité et de convivialité dans la classe politique ivoirienne et dont les membres se regardaient en chiens de faïence.
Au Ghana, Jerry Rawlings, ancien président de la République, enfilait le maillot et le short aux couleurs des Blacks Stars (équipe nationale de football) se mettait au volant de sa Land Cruiser pour aller les supporter chaque fois qu'ils devaient se produire à Accra. Lorsque le chef d'Etat sénégalais doit prendre part à une cérémonie aussi bien à Dakar que dans toute autre ville du pays, c'est sans tambour ni trompette; c'est à peine si les usagers de la voie qu'empruntera le président savent où et quand il va passer. On peut multiplier des exemples de cette nature.

Biya: le mal camerounais ?
Les Camerounais ont-ils, eux, la perception d'être proches de leur président ? La réponse, qui coule de source, est non ! Le sentiment généralement partagé est que Paul Biya est complètement coupé du peuple qui le trouve par ailleurs indifférent, voire méprisant. Le président semble renfermé sur lui-même au point de donner la certitude qu'il a peur des Camerounais. En 25 ans de pouvoir, l'on n'a pas souvenir qu'il ait franchi plus d'une fois les limites de Yaoundé pour une visite à l'intérieur du pays. Sauf à se rendre à Mvomeka'a, son village natal, Paris (France) et Lausanne (Suisse) sont les lieux privilégiés des visites du chef d'Etat camerounais. Lorsqu'il doit sortir de ces cadres pour une virée contraignante comme ça a été le cas à l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance, les populations vivent alors le martyr. La ville entière est paralysée, les activités économiques sont au ralenti parce que circuler à Yaoundé devient un problème si ce n'est un crime de lèse majesté. Les résidants sont victimes de brimades et de brutalités des hommes en tenue qui vous en imposent. Une légende dit même qu'il serait plus opportun de chercher à rencontrer Paul Biya à Paris ou à Lausanne qu'à Yaoundé où même ses ministres ne le rencontrent pas.

Les festivités marquant les 50 ans de «souveraineté» du Cameroun ont donné une occasion supplémentaire de voir ce qu'est la fonction présidentielle au Cameroun sous l'ère Biya. L'escorte présidentielle constitue en elle seule tout un spectacle. Une trentaine de motards assortis d'autant de voitures de toutes les gammes autour du véhicule transportant le président, et des malabars - une demi douzaine - pas moins, tenant et courant avec la voiture présidentielle, tout cela pour dit-on, assurer sa sécurité. Un fantasme exotique que les nombreux hôtes qui avaient, à l'occasion, convergé à Yaoundé ont été donné à voir et dont ils se souviendront certainement pendant longtemps. Il reste que Paul Biya qui se comporte de plus en plus en monarque, décide un jour qu'on le transporte dans un hamac pour une revue des troupes. Il ne sera pas le premier ici, Idi Amin Dada le fit en son temps en Ouganda, en se faisant transporter par des... Blancs.
© Aurore Plus : LÉON MPACKO

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire