La liberté, rien que la liberté

La liberté, rien que la liberté

mardi 22 septembre 2009

COMMENT LE SYSTEME BIYA DETRUIT LE CAMEROUN

C'est tout simplement infernal.
Le problème de Paul Biya est qu’il est le co-géniteur d’un système qu’il a contribué à bâtir au plus haut niveau avant d’en devenir le régulateur et depuis peu le destructeur, malgré lui.
Pendant les deux premiers décennats de son magistère, il a savamment perpétué ce système plus par facilité que par stratégie réelle de gouvernance. Un système qui s’est auto-entretenu et reproduit pendant des années avant de commencer à se désintégrer lentement, victime de l’usure du temps et de son manque de perspective. Les instruments d’hier paraissant progressivement inadaptés aux réalités de l’instant, par quelques subtiles manœuvres, il essaie de pérenniser un appareil bureaucratique politisé, morcelé et « privatisé » par des intérêts parcellaires. Pour y parvenir, il s’appuie de manière constante sur des réseaux géo-ethnicisés dont il est le référant incontournable. Il a créé ainsi des castes et des « clans de parachutés » qui se sont enrichis sans limite ni contrôle. Un système hypertrophié auto-centré, qui s’auto-régule et s’auto-nourrit. Le choix des élus de ces cénacles ne répond à aucun critère véritable de compétence, mais plutôt guidé par des cercles et des réseaux, auxquels « Le Prince » délègue la gestion collective des émotions des territoires qu’il leur confie. Utiles dans sa stratégie, ces réseaux d’hiérarques servent de repères et de relais d’information. Des hommes, de ses compatriotes, des Camerounais, Biya n’en sait que ce que ces réseaux veulent bien lui rapporter. Ses compatriotes, il ne les connait pas. Il a toujours vécu en dehors de leurs préoccupations, dans un univers périphérique, question de destin et de parcours. La vie des gens, des vrais gens, des gens du Cameroun, Paul Biya l’ignore et semble s’en désintéresser. La notion de l’altérité lui est étrangère, non par égocentrisme, mais plus par ignorance de l’autre. La nation telle qu'il la conçoit est dématérialisée et n’existe que par l’addition des ses différentes entités cohabitantes, sans lien véritable.
En fait, pour Paul Biya, le concept fumeux d’ «équilibre régional » est un mode de gouvernance opératoire couplé à la pérennité idéologique d’un corps social structuré en ethnies et clans. L’exercice solitaire du pouvoir l’a progressivement poussé à se conduire comme un fugitif de la communication. Econome de ses mots, il ne donne pratiquement jamais d’explication aux maux de son pays : le règne de la décadence du langage. Et face à un président dont l’art oratoire, n’est pas la qualité première, l’opposition à son tour divisée et éparpillée reste atone, ne s’exprimant que pour faire étalage de son incapacité à proposer une alternative crédible au système en place.
Biya passe pour être un « mystérieux », mais ceux qui le connaissent le disent « contenu » naturellement et « éruptif » quand il est contrarié. Vu de loin il est expectatif, de près c’est un introspectif déroutant, qui cultive l’art de la dissimulation jusqu’à l’obsession. Question de caractère et sûrement d’éducation. Celle qui a fondé son destin et sa carrière d’homme de pouvoir au sein du pouvoir. Biya est « propriétaire du pouvoir ». Il n'en est pas le représentant. Biya, contrairement aux apparences n’est pas discret, il est secret par opportunisme, traînant dans son sillage tortueux, le Cameroun, son Cameroun par opportunité. Anorexique du bon sens, c’est un serial killer de l’excellence.
Après plus d’un quart de siècle d’exercice “confortable” du pouvoir, le successeur d’Ahidjo, est désormais face à la dure réalité des cycles de vie. « Le réel est un piège qui ne prend personne par surprise. Mais l’esprit des hommes est ainsi fait que ceux-ci s’estiment presque toujours trahis et pris de court par une réalité qui s’était pourtant annoncée à l’avance et en toutes lettres. C’est, bien souvent, le sentiment d’être trompé qui est trompeur ». Biya s’est trompé en croyant que son mode de gouvernance sans prise de risque réel était pérenne et perpétuel. Son système n’a pas réussi à se régénérer. Il est patiemment entrain d’imploser de l’intérieur. Le président l’a compris. Il le sait. Il a toujours donné le tempo et pense pouvoir continuer. Mais, il s’aperçoit que les choses lui échappent. Il a perdu le contrôle de certains leviers «détournés » par ceux qu’il a contribués à créer. Vécue comme une trahison, leur velléité d’autonomie en dehors du système est punie sans état d’âme. L’Opération Epervier en cela n’est pas une surprise. Elle fait partie des artifices créés pour essayer de sauver ce qui peut l’être en entretenant une psychose de façade. L’objectif n’est pas tant d’éliminer les potentiels gêneurs ou rivaux comme le suggèrent certaines analyses, mais plutôt de donner l’illusion de tenir les manettes, toutes les manettes du système et imposer le tempo à tout instant. Son grand échec est qu’il n’a jamais pu ou voulu introduire véritablement du « sang neuf » dans son système, par “confort” une fois encore, mais surtout par crainte d’en perdre le contrôle. Paul Biya a toujours fait appel aux mêmes personnalités pour occuper des postes de responsabilité, question de routine et de méfiance, créant de fait une gérontocratie régnante sclérosée.
Maître dans l’art de faire croire qu’il agit sans rien faire, le manque de courage de Biya est appelé par ses opposants ou ce qui en reste « immobilisme ». C’est ce que le président camerounais nomme lui-même « inertie ». Passé maître dans l’art du « pantouflage » et du « clientélisme électoral », ce n’est pas faire une offense au locataire du Palais d’Etoudi, que de dire qu’aucune réforme réelle n’a été menée en un quart de siècle. Le modèle social pompeusement baptisé « libéralisme communautaire » est resté à l’article de bonnes intentions. L’émergence économique tant promise passée par pertes et profits et les « grandes ambitions » termineront comme tout le reste du «règne du vacancier président» au cimetière des œuvres inachevées.
Le salut de Paul Biya, et c’est l’enjeu des prochains mois, c’est de trouver l’équilibre entre la régulation et la liberté dont son système a fortement besoin s’il ne veut pas qu’il disparaisse définitivement. C’est une mission plus complexe qu’il n’y paraît pour quelqu’un qui a toujours fonctionné selon le même principe depuis quarante ans, par paresse intellectuelle et par commodité personnelle. Personnage quasi effacé, il ne conçoit ses collaborateurs qu’à son image. Il ne supporte pas que ceux-ci soient dans la lumière. Homme tranquille, il aime l’ombre au propre et au figuré. Homme épris de mysticisme, avançant masqué, il s’appuie sur la manipulation comme stratégie existentielle. Constamment dans le politique, rarement dans l’agir, sauf quand les circonstances l’y contraignent, c’est un conservateur pessimiste. Homme jamais pressé, il a toujours voulu se poser en gestionnaire du temps. Réalisateur et producteur, l’éternel second rôle de son propre film qui dure depuis des décennies ne parvient pas à trouver la chute de son histoire. Pour éviter sa propre chute et espérer entrer un jour dans l’Histoire, il réécrit constamment le scénario, change d’acteurs, parfois reprend les mêmes, atermoie et balbutie sans fin.
Sur le plan international, la disparition récente du Président Bongo l’expose et l’impose (?) en tant que leader de fait en Afrique Centrale. C’est ce qu’on appelle un oxymore. Leader ? Un rôle qu’il déteste au plus profond de lui-même. Car il n’en est pas un et ne l’a jamais été. Il n’est pas né leader. Paul Biya a toujours vécu en gestionnaire de l’instant. Paradoxalement, son souci a toujours été de durer mais sans s’exposer ; gouverner sans s’engager et surtout exister sans combattre. C’est quelqu’un qui n’a jamais connu ni supporté l’adversité. Il reste au pouvoir plus par confort personnel, profitant de l’aisance que la fonction présidentielle lui procure. Sans véritable projet d’homme d’état et de leadership, sans réelle visibilité, il n’est pas né bâtisseur et ne le sera jamais. Il n’a jamais été fidèle à personne et ne compte pas l’être.
In fine, Paul Biya est quelqu'un qui déteste la confrontation et la contestation. Aujourd'hui, il n’a pas d’autre issue pour continuer d’exister que de poursuivre ce qu’il a toujours fait, de peur de disparaître. Il n’a pas su anticiper les mutations de notre époque, victime de ses repères et certitudes. Il tente de s’adapter. Il essaie d’échapper au temps et à son système, d’où ses efforts de communication ou de velléités d’actions à travers les « grandes ambitions ». Mais tout cela est tellement loin des préoccupations des gens, des vrais gens du Cameroun. Conduites par des réseaux externes au Cameroun sans connaissance réelle du pays, ces actions donnent une impression de cacophonie trahissant une gestion non maîtrisée de l’image du président. Il apparaît désormais inéluctable, que c’est trop tard de rebondir. Il est fort à parier que si le système Biya dure avec son géniteur, il ne lui survivra pas. La triste réalité est que Biya n’est plus l’homme de la situation. Qu’a-t-il fait de toutes ces années de pouvoir ? Irréversiblement, c’est le président, malgré lui. Avec Biya, c’est le règne de la fiction sans fin.
© http://molla.unblog.fr/ : Oscar Gabriel Molla (OGM)

2 commentaires:

  1. il est vrai que notre president a mis notre pays sens dessus dessous ;il serait très difficile pour lui de reprendre la confiance perdue des camerounais ;mais tout porte croire que beaucoup de surprises sont en vu pour ou contre lui? A savoir

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