Suffit-il de pouvoir se déplacer à l’intérieur du triangle national pour se considérer comme un homme libre ? Je me pose une telle question parce que ce soir, un homme m’a fait comprendre que je ne devrais plus parler comme je le fais à la télévision, et que le fait de marcher libre est un grand pas sous la politique du renouveau.
Mais de quoi parlait-il au fait. Dans un pays d’injustice caractérisée, la question ne se pose plus sur le terrain de la liberté individuelle. Un petit groupe a décidé de se partager les richesses du Cameroun, en orientant la plus grande partie de la population vers la mort certaine. Et l’on ne devrait pas parler sans risque de subir des pressions ou des menaces.
Des menaces de ce genre sont légion, et le régime Camerounais est parfois passé à l’action : des compatriotes ont ainsi vu leur vie basculer dans le néant, parce qu’ils ne soutenaient pas le régime de Monsieur BIYA ; des compatriotes ont tout perdu pour avoir dénoncé la corruption et le tribalisme dans ce pays ; des compatriotes en ont payé de leur vie.
Au fait, sachez que je suis un intellectuel, un "vrai". Et le propre de l’intellectuel est de guider la société, non nécessairement dans le sens du pouvoir en place. Beaucoup ont choisi une place "au chaud", au mépris de leurs convictions et du respect de la personne humaine ; beaucoup ont vendu leur âme au "Diable" pour avoir une place dans la "société inhumaine", la vôtre, pour avoir de quoi vivre, et peut-être mieux vivre en détournant les deniers publics.
A la vérité, le régime Camerounais a chosifié les intellectuels au point que certains n’arrivent plus à penser, à ouvrir les yeux pour dire ce qui est, ce qui n’est pas, à dénoncer l’injustice sous toutes ses formes et à participer, de ce fait, à la construction d’un État démocratique. Bon nombre de ces intellectuels végètent mais ne se posent jamais la vraie question : comment être libre. Bien au contraire, ils s'associent au régime RDPC en espérant un jour piller à leur tour les richesses du peuple Camerounais.
J’ai choisi de ne pas être de ceux-là, d’être un Agrégé différent, sans doute un marginal dans votre monde sans foi ni loi, mais d’être moi-même. J’ai choisi d’être un homme entier, de m’opposer à un régime qui ne pense pas à son peuple, un régime irresponsable, corrompu et tribaliste, dont les géants n’ont aucun sens de l’humanité, de l’être. J’ai choisi d’être moi-même, et cela vous dérange. Cela dérange au point que certains croient pouvoir m’intimider.
Vous faites donc fausse route car je sais depuis longtemps le prix à payer pour la liberté sous une dictature la vôtre. Le prix de la liberté, c’est la souffrance ou la mort. Si vous m’avez alors compris, vous devez particulièrement faire attention.
Pr. Jean GATSI, Agrégé des facultés de droit