La République de Paul Biya
Ce n’était pas encore

Paul Biya n’a plus eu besoin de consulter les différents acteurs que le Premier ministre, Inoni Ephraim, au moment de la création de ELECAM avait invités dans ses services pour recueillir leurs avis. Cet « oubli » n’est en réalité pas grave au regard de ce qui sortit finalement de ces consultations. Car en réalité, si la plupart des acteurs consultés ne se sont pas reconnus dans le texte final, il ressort de manière évidente qu’ils n’ont pas été écoutés. Et comment ne donc pas mettre ce comportement en relief avec l’interrogation du directeur de publication du quotidien Mutations, Alain Blaise Batongue, dans l’une de ses chroniques : « qui parle au président de la République ? ». De deux choses l’une : soit les conseillers du président sont des menteurs, soit alors Paul Biya ne les écoute pas toujours. Mais prenons le président de la République à son propre piège (puisque c’est lui qui désigne ses proches collaborateurs) pour reconnaître qu’ils sont souvent nombreux à ne pas lui dire toute la vérité. N’a-t-il pas, lui-même, reconnu dans un discours à la nation dimanche 23 juin 2002 qu’on lui a menti au sujet des préparatifs du double scrutin de ce jour là ! Cette contribution n’est pas une lettre ouverte au président de la République, mais elle n’en est pas non plus très éloignée.
Oui, Monsieur le président de la République, nous sommes d’accord que l’on ne peut pas bâtir une nation « en multipliant les ruines ». C’est aussi vrai, nous y croyons fermement, que l’on ne saurait construire une démocratie en modifiant à chaque instant et de manière unilatérale les règles de jeu ! « C’est quoi donc cette politique, Monsieur le président ?», vous demande l’artiste musicien Valsero, dans l’une de ses chansons. Le peuple camerounais ne le saura peut être jamais. Mais face à ce comportement, j’ai trouvé une réponse à donner à l’éditorial de Madame le Directeur général de la Sopecam, Marie Claire Nnana, après la saisie de la morasse d’une édition du quotidien Mutations consacrée aux « Scénarios de l’après Biya ». Non, Madame, il ne s’agit pas d’une « République de journalistes ». Au Directeur de publication de Mutations au moment des faits et actuel Directeur de publication du quotidien Le Jour, Haman Mana : Dp, ce n’est pas non plus la « République des gendarmes ». Cher consoeur et Directrice de publication de Bebela, Henriette Ekwe, arbitre devant l’opinion dans ce conflit d’éditoriaux, je ne suis plus sûr aujourd’hui qu’il s’agit d’une « République de zélateurs ». Non. Je pense qu’il s’agit de la « République de Paul Biya ». Tout simplement. En décidant de confisquer le calendrier politique et le processus électoral, « l’homme lion » métamorphosé depuis l’élection présidentielle de 2004 en l’Homme des « grandes ambitions » n’a plus peur de personne. Le peuple ne lui fait plus peur, mais se fait plutôt peur. Que s’est-il donc passé, après la révision de la Constitution en mars 2008, après que des hommes politiques aient promis un tsunami social, après que des artistes, à l’instar de Longué Longué, aient commis des chansons de menace, pour dire par exemple : «le Cameroun n’est pas le Togo, essayez et vous verrez » ?
Monsieur le président de la République, nous l’avons constaté : vous aimez bien vous s’adresser aux Camerounais par le canal de la presse étrangère. Et lors d’une interview accordée à la Radio Monte Carlo (RMC), l’un de ces médias que vous redoutez tant, même lorsqu’une simple estimation du coût de vos vacances y est mentionnée (obligeant par là vos conseillers français en communication, grassement payés avec l’argent du contribuable camerounais, à faire recours à un journal ……..gratuit), vous avez déclaré que vous voulez que l’on retienne de vous, lorsque vous aurez, bien entendu, quitté le pouvoir, l’image de celui qui aura apporté la démocratie au Cameroun. Est-ce donc cela la démocratie, Monsieur le président ?
Jetez un regard dans le rétroviseur et faites vous-même le bilan. Regardez autour de vous, dans le monde et plus particulièrement sur le continent africain, et cherchez vos collègues arrivés au pouvoir à la même période, ils ne sont plus nombreux, c’est certain. Ceux qui ne sont plus aux commandes de leurs pays, quel chemin ont-ils emprunté pour entrer dans l’histoire : est-ce la grande porte, la petite, l’issue de secours ou alors la fenêtre ? Les exégètes de votre parti, le Rdpc, s’en vantent aujourd’hui sur les plateaux de télévision pour soutenir que vous êtes le seul homme d’Etat qui s’est montré déterminant dans la lutte contre la corruption au regard de la qualité de vos anciens collaborateurs (ministres, secrétaires généraux de la présidence de la République, directeurs généraux des entreprises d’Etat) qui sont aujourd’hui condamnés ou poursuivis devant les juridictions nationales. L’inverse est aussi valable et on vous rétorquera, Monsieur le président, que dans aucun pays au monde des ministres et directeurs généraux n’ont autant pillé les caisses de l’Etat en l’espace de quelques années. Le comité national mis sur pied dans le cadre de la célébration, cette année et l’année prochaine, du cinquantenaire de l’indépendance et de la réunification, a créé le panthéon camerounais. Cet endroit sacré où vont être immortalisés les filles et fils du Cameroun qui auront marqué son histoire. Je pense sincèrement, Monsieur le président de la République, et c’est une simple question de volonté, qu’il n’est pas trop tard pour entrer de belle manière dans l’histoire.
© Le Messager, Lazare Kolyang Journaliste, 77.63.52.30 Kolyang2001@yhoo.fr
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