La liberté, rien que la liberté

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mardi 1 juin 2010

Cameroun : La volonté dépravée du régime de Paul BIYA




Les dessous d'une proclamation du bulletin de santé du journaliste Bibi Ngota



Bibi Ngota décédé des suites de VIH, l’abbé Joseph Ndi tué pour ‘’avoir tenté d'abuser’’ un jeune homme, Marthe Moumié violée avant son assassinat, les religieuses de Djoum ayant subi des sévices sexuels avant d'être tuées ; une liaison sexuelle avec une religieuse avait été évoquée pour justifier la disparition tragique du Rv père Angelbert Mveng. Décidément, tous ces décès dont la responsabilité incombe au régime au pouvoir sont pour la plupart entachées de mœurs faciles...

Selon le porte-parole actuel du régime de Paul Biya, le journaliste Bibi Ngota "est décédé des suites d'infections opportunistes dans un contexte où son système immunitaire était complètement effondré". En langage courant, le journaliste avait le Sida et en est mort. Il précisera par ailleurs que le défunt n’avait eu connaissance de son statut sérologique que tardivement après ‘’le dépistage volontaire du VIH-sida proposé à l'intéressé ‘’ en citant le rapport du médecin de la prison centrale de Yaoundé où le journaliste était en détention préventive depuis le mois de février dernier.

Ces propos d’Issa Chiroma Bakary, ministre de la communication démontrent une fois de plus la volonté dépravée d’un régime impitoyablement meurtrier. Deux journalistes sont toujours embastillés dans le cadre de la même affaire. L'ordre viendra sans doute du sommet de l'Etat pour leur libération, et l'on parlera alors de grâce présidentielle...la page sera vite tournée, les résultats des enquêtes requises resteront méconnues et on servira ensuite aux hommes des médias de la République des séminaires de formation sur l'éthique déontologique du 4ème pouvoir. Nous ne reviendrons donc pas sur les multiples questionnements relatifs aux raisons qui ont conduit à la séquestration, aux tortures subies ainsi qu’aux conditions de détention que l’on sait inhumaines dans les geôles camerounaises.

Interrogeons-nous simplement sur la nécessité de divulguer publiquement le statut sérologique du défunt journaliste Bibi Ngota : N’ignore-t-on pas qu’au Cameroun, beaucoup estiment qu’être porteur du Vih –Sida est un opprobre ? N’a-t-on pas présenté le Sida en Afrique comme une conséquence de la prostitution et des pratiques sexuelles immodérées ? Les spots publicitaires en témoignent. Pourquoi le Mincom a-t-il cru bon de déclarer Bibi Ngota séropositif à la face du monde dans un contexte social où les personnes vivant avec le VIH continuent de souffrir de stigmatisation ? C’est à cette interrogation qu’il semble important de s’attarder. Le régime au pouvoir ne fait-il pas ainsi preuve de son désir de bafouer la mémoire de ceux qu’il tue en toute impunité ?

Pratique bien connue
Déshonorer la mémoire d’un défunt est inexorablement un moyen de semer la confusion dans l’opinion publique. Cela n'est point nouveau sous le ciel camerounais. Lorsqu'un matin du mois d'octobre 1988 le journaliste et prêtre, L’abbé Joseph Mbassi est retrouvé mort dans sa chambre, le corps horriblement mutilé et couvert de sang, les caciques du pouvoir vont alimenter une rumeur selon laquelle le défunt entretenait des relations coupables avec l'épouse d'un certain colonel originaire de la région de l'Est. D'où son assassinat. Or, il ne faisait aucun doute selon des sources dignes de foi et proche du clergé, que le prélat, qui avait été nommé membre de la commission pour les Communications Sociales de l'archidiocèse de Yaoundé, avait reçu un dossier sur le trafic d'armes et de drogue qui mettait en cause la famille présidentielle. Un dossier qui entraîna l'assassinat de plusieurs autres personnes en l'occurrence Me Ngongo Ottou et son médecin Essomba Mani Ewondo ainsi que le Père Engelbert Mveng. Ce dernier fut retrouvé mort au matin du 23 avril en 1995. Etranglé, couché dans son lit face au plafond, une profonde blessure à la tête. Pour justifier une fois de plus l'abominable crime, les nourriciers de la rumeur attribuèrent au défunt une relation avec une religieuse qui aurait commandité le meurtre. Or la vérité est toute autre car le regretté prélat Jean Marc Ela, compagnon d'œuvre du Rv Père Engelbert Mveng disait « Biya sait qui a assassiné le Père Mveng et doit le dire aux camerounais. Biya a toutes les preuves, tous les faits pour dire qui a assassiné le Père Mveng ». Cela n'aura donc pas été une coïncidence que le Souverain Pontife Benoît XVI ait interpellé le régime au pouvoir sur les conséquences du trafic d'armes alors qu'il recevait en audience le 16 juin 2008 l'ambassadeur plénipotentiaire du Cameroun près le Saint siège, Antoîne Zanga. Dans son allocution, il en «appelle à toutes les personnes impliquées dans la vente ou dans le trafic d'armes, avec des intérêts souvent très lucratifs, à s’interroger sur ce qu’engendrent leurs comportements».

Tout comme les exemples précités, l'abbé Apolinaire Claude Ndi, curé de Nkol-Tobo (par Awaé), est assassiné à Yaoundé dans la nuit du 20 au 21 avril 2001 à Nkolndongo. Selon les premiers éléments des enquêtes recueillis sur les lieux du drame le 21 avril, le défunt avait été frappé à la nuque. Le rapport d`autopsie ne constatera pas une mort par strangulation comme le laissait entendre le présumé meurtrier qu'exhibèrent aux yeux du public les hommes du Groupement spécial d'opération. Le présumé meurtrier accusait le défunt prélat d'avoir voulu abuser de lui. Après plusieurs mises en scène, amplement diffusées sur la télévision nationale, Robert Romuald Ndoumbè Elimbi avait si aisément et trop bien reconstitué « son meurtre » que la page fut vite tournée.

D'autres cas comme ceux de Marthe Moumié 78 ans, veuve du martyr nationaliste Roland Félix Moumié assassinée dans des circonstances obscures en janvier 2009 après avoir été violée, des sœurs de Djoum Marie Germaine et Marie Léone retrouvées mortes dans une marre de sang au mois d’août 1991 ayant elles aussi subies des sévices sexuels, dénotent des motivations perverses de ceux qui commanditent de tels crimes. Non seulement ils éliminent, ils s'activent aussi à jeter l'opprobre sur leurs victimes oubliant très souvent que «du murmure à la révolte le chemin est long mais il ne fatigue jamais».
© Delphine E. FOUDA

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