La liberté, rien que la liberté

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mercredi 27 juillet 2011

Cameroun : La démocratie camerounaise a besoin d'une véritable opposition


IL FAUT REPENSER L’OPPOSITION CAMEROUNAISE …



Une démocratie dans le vrai sens du terme ne saurait se reposer uniquement sur la pluralité des partis politiques. S’il est vrai que le multipartisme est l’un des baromètres fondamentaux d’une démocratie, celui-ci ne peut véritablement porter les vertus de liberté, de démocratie et d’alternance que si les partis politiques participent de manière efficiente à l’animation du jeu politique. Avec plus de deux cents partis politiques légalisés pour vingt millions d’habitants, le Cameroun est sans doute l’un des pays au monde, où l’on trouve le plus grand nombre de partis politiques au mètre carré. Des formations politiques dont la seule activité, hélas, est leur existence sur le papier. C’est à juste titre que subsiste cette question fondamentale : que vaut réellement l’opposition camerounaise ?
La réponse idoine à cette interrogation permet déjà d’avoir une vue globale sur le fonctionnement des partis politiques au Cameroun, leur poids et éventuellement leurs aspirations. L’idéologie qui devrait être à la base de la création de tout parti politique qui se respecte n’existe que dans de rarissimes cas, tandis que la prise de pouvoir qui devrait être leur finalité ne fait même pas partie des moindres préoccupations de ces partis politiques. Et comment pourrait-il en être autrement si plusieurs de ces formations politiques n’ont pour militants que le président, son épouse, leurs enfants et quelques affidés? Peut-on parler de partis politiques dans le sens noble du terme quand on ne dispose pas d’un moindre programme de société ? Ceci s’explique certainement par le fait que la création des partis politiques au Cameroun n’obéit pas à une démarche idéologique, encore moins, à une légitime ambition qui serait la conquête du pouvoir par les moyens démocratiques afin de mettre en application son plan d’action.

Les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne comme modèle ?
Au regard du gros désordre qui entoure le fonctionnement des partis politiques au Cameroun, l’on se rend à l’évidence que cette foultitude de particules politiques fait plutôt les affaires du pouvoir, celui-ci pouvant se servir de ces partis marrons ou jaunes selon les cas, pour régler un compte aux vrais partis d’opposition. Mieux, de nombreux promoteurs de partis politiques ont pensé que ce serait un raccourci pour s’en faire plein les poches, oubliant qu’il ne suffit pas de brandir quelque récépissé pour pouvoir faire fonctionner un parti politique. Pour preuve, sur les centaines de formations politiques qui existent au Cameroun, une demi-douzaine seulement siègent au parlement, et à peine une dizaine siègent dans les conseils municipaux. Si l’on demandait au cours d’une évaluation aux vingt millions de Camerounais de citer seulement vingt partis politiques de leur choix sur les deux cents qui existent dans leur pays, il est fort probable que sans se prémunir de son bord, personne ne pourrait braver cet exercice, pas même le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, compétent en matière de création et de légalisation des partis politiques.
Faut-il entrevoir une limitation de partis politiques ou copier ce qui se passe dans certaines vieilles démocraties occidentales, en l’occurrence, aux Etats-Unis, en France et en Grande-Bretagne, où le jeu politique est largement dominé par deux formations politiques ? Mais dans un pays de gueulards comme le Cameroun, n’est-ce pas mieux de laisser le tri s’opérer de lui-même afin d’éviter inutilement un procès d’intention ? La deuxième solution convient sans doute mieux à la complexité de la société camerounaise.C’est dire que si tous les Camerounais ratent ce petit exercice, on peut aisément comprendre que leurs promoteurs n’ont jamais organisé la moindre activité depuis leur reconnaissance officielle, et que le seul moment où les plus courageux font entendre leur voix n’est qu’à l’approche d’une élection, où ces malins mal intentionnés entendent se faire quelques subsides sur le dos du contribuable en empruntant toutes sortes de contorsions démagogiques. Ils ont tôt fait d’oublier que la loi régissant le financement des partis politiques repose sur quelques critères, essentiellement, sur les performances de ceux-ci lors des consultations électorales. Du coup, beaucoup ont préféré « abandonner » cette manne, sans doute pour éviter la pire des humiliations. D’autres « opposants » ont voulu faire « ami-ami » avec le pouvoir en espérant que le régime les coopterait sans coup férir dans la « majorité présidentielle ». Une position à partir de laquelle on pense récolter quelques miettes ne serait-ce que lors des parades du parti présidentiel, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC).

L’époque de « Paul Biya must go » est révolue.
Il y a quelques semaines, au plus fort du débat sur une éventuelle inéligibilité de Paul Biya lors de la prochaine élection présidentielle en octobre, conséquence de la modification de la loi fondamentale en 2008, l’opposition a plutôt brillé par son absence dans le débat, quand ce ne sont pas les opposants des plus anonymes aux plus illustres qui déclaraient Urbi et Orbi que c’est un « faux débat ». Par ailleurs, à trois mois de l’élection présidentielle, l’on ne sent pas cette opposition offensive ou conquérante à travers des propositions concrètes pouvant servir d’alternative au pouvoir actuel. Sur le profil des dirigeants de l’opposition ayant déclaré leur candidature à la prochaine élection présidentielle, tous sont des affabulateurs, à une ou deux exceptions près. On a le sentiment que ceux-ci confondent d’époque, oubliant que l’époque de « tout le monde sauf Paul Biya » ou encore « Paul Biya must go » est révolue. Oui, le populisme a vécu. Est-ce pour cette raison que le plus grand parti d’opposition, le Social democratic front (SDF) est devenu totalement aphone ? Nonobstant les compromissions de ses dirigeants, le SDF qui continue malgré tout d’incarner un espoir, entend-il rejoindre officiellement à son tour la mangeoire ? Cette hypothèse est de plus en plus envisageable au regard du « caméléonisme » observé depuis quelque temps au sein de cette formation politique.
Hier, ce sont d’autres partis politiques, naguère, dits de l’opposition radicale qui ont rejoint le pouvoir sans qu’ils soient en mesure de pousser le régime à améliorer le cadre électoral : l’Union des populations du Cameroun (UPC) et l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) étant les meilleures illustrations. Avec le quasi-passage du SDF et l’Union démocratique du Cameroun (UDC) de l’autre coté, que restera-t-il de l’opposition ? Voilà qui nous amène à conclure qu’il est temps, de repenser l’opposition camerounaise. Ceci requiert notamment de nouvelles mentalités, de nouvelles ambitions, et tout naturellement, de nouveaux hommes pour incarner le changement.
© A. Mbog Pibasso

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