La liberté, rien que la liberté

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mercredi 7 octobre 2009

Le bateau RDPC dans la tourmente



Selon Grégoire Owona le Rdpc est un bateau dans la tourmente


Le parti au pouvoir vit des moments difficiles. Luttes de positionnement. Antagonismes clano ethniques. Sales affaires judiciaires. L'horizon de 2011 reste brumeux. Le Rdpc est sous les feux de la rampe.Mais force est de reconnaître qu'à chaque fois, ce forcing médiatique des exégètes du parti et autres thuriféraires du régime, n'ont contribué qu'à casser le thermomètre sans toutefois baisser la température. Il ne se passe pas un seul jour sans qu'il soit signalé dans quelque structure locale du Rdpc des déchirements entre ses membres.

Les batailles perdues
Le parti au pouvoir vit des moments difficiles. Luttes de positionnement. Antagonismes clano-ethniques. Salesaffaires judiciaires. L'horizon de 2011 reste brumeux Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais est sous les feux de la rampe depuis que son président national,par ailleurs chef de l'État a prescritune chasse aux prédateurs financiers,petits ou grands de laRépublique d'une part, et sa miseen cause personnelle dans desaffaires d'enrichissement sale et dedilapidation de l'argent public,d'autre part.Sur ce terrain comme dansbien d'autres où l'image des pontesdu régime a été bariolée d'uneencre noire, le parti au pouvoir s'estlivré à une bataille communicationnelleféroce pour démentir des''informations malveillantes etdénuées de tout fondement'', propagéespar des ''ennemis de la paixet de la stabilité politique'' duCameroun.

Mais force est de reconnaître qu'à chaque fois, ce forcing médiatique des exégètes du parti et autres thuriféraires du régime, n'ontcontribué qu'à casser le thermomètresans toutefois baisser latempérature du malade Rdpc. Et leparti va toujours mal. Passe encoreque ces affaires révélées pour laplupart par des médias et organismesbasés en France, soient des''complots extérieurs visant à déstabiliserle Président Biya''. Quedire alors de ces autres affairespurement internes qui mettent à nula loubardise prédatrice d'unebande de délinquants à col blanc de la nomenklatura Rdpciste ?

Aux preuves réclamées hier aux médias nationaux avec beaucoup d'arrogance par le chef du parti, s'est substitué un discours lénifiant, moins assuré sur les dérives comportementales de ces ''camarades qui ont trahi les idéaux du parti'' en détournant des centaines de milliards de francs CFA au préjudice du Trésor public. Ici encore, le parti des flammes sort laminé de ce nouveau vernissage de propreté que veut se donner le régime vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux. Il reste admis que l'élagage de quelques branches mortes et encombrantes de l'arbre Rdpc, ne peut aller sans des fissurations plus ou moins ouvertes dans l'armature.de fait, les pestiférés d'aujourd'hui, hier banquiers occultes du parti et agitateurs populistes, ont quelque raison de se sentir abandonnés par un partiÉtat à qui ils ont tout donné (et tout repris aussi ?).

UN MILITANTISME ALIMENTAIRE ET ADMINISTRATIF
A ces brèches ouvertes dans la coque du Rdpc par l''l'opération épervier'', sont venues se greffées des luttes âpres pour le positionnement au sein de l'appareil du parti et de l'État en prévision de l'échéance de 2011 avec toutes ses incertitudes. Il ne se passe pas un seul jour sans qu'il soit signalé dans quelque structure locale du Rdpc des déchirements entre ses membres. Ces dissensions récurrentes qui fragilisent une formation politique où lez militantisme alimentaire s'est depuis longtemps substitué aux convictions idéologiques affirmées, donnent du parti des flammes l'allure d'un pantin désarticulé, que des motions de soutien hypocrites et des séminaires de relance n'arrivent plus à masquer la triste réalité.

Adossé à l'administration publique pour survivre politiquement en tant formation majoritaire, le Rdpc, traversé de courants antagonistes, affaibli par des scandales financiers gargantuesques et sclérosé par un immobilisme démocratique en amont, est aujourd'hui une formation politique d'obédience alimentaire et administrative. Que serait d'ailleurs le parti du président Biya sans l'Administration ? De quel poids pèserait cette formation politique sur l'échiquier national sans les préfets, les sous-préfets et autres hauts fonctionnaires carriéristesdont le rôle de proconsuls du parti lui assure sur le terrain une majorité nominale de façade ?

Contrairement aux autres formations politiques -Sdf, Ufdc, Upc par exemple- où les voix contestataires sont systématiquement brisées par l'exclusion des rangs, le Rdpc fait dans un registre plus cool, en maniant aussi bien la dissuasion (pertes d'avantages matériels et financiers) que la persuasion (promesses de nomination à des postes importants) pour faire rentrer les têtes de turcs dans les rangs. Étant un parti à dominante administrative, le procédé donne des résultats admiratifs. Il estd'ailleurs employé avec succès pour débaucher quelques cadres ambitieux dans les partis dits de l'opposition.

Nous l'avons relevé plus haut, l'Administration est le vivier militant du parti au pouvoir, pour des raisons évidentes de carrière et de positionnement alimentaire. Imaginez un jeune fonctionnaire sans aucune étiquette politique affichée, qui par la magie du décret est nommé Proviseur du lycée de Mombo. Ipso facto, il devient dans cette petite bourgade villageoise une ''personnalité ressource'' du Rdpc, et en tant que telle devra assister à tous les meetings et conférences du parti.

Par la même occasion, notre nouveau cadre du parti doit répondre aux convocations des élites extérieures du Rdpc dans son terroir natal afin d'apporter sa contribution multiforme au rayonnement de sa formation politique. Voilà comment on devient militant du ''grand parti national''. Plus on occupe un poste quelque peu d'importance, plus on affiche ostensiblement son zèle militant. A contrario lorsque la position sociale ou politique est perdue, la foi aux idéaux du parti s'émousse inexorablement. Comment appelle-t-on ce genre de formation politique ?

Un parti d'État-major, avait fustigé une voix autorisée. C'est dans ce contexte brûlant que le congrès du parti maintes fois esquissé, mais jamais effectif est attendu impatiemment par les militants, même si chacun ne croit guère à une quelque révolution au sein de cette formation qui souffre d'un déficit certain de démocratie.
J.E.L


Un bateau dans la tourmente Parlons, si vous le voulez bien, de votre parti le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais. En tant que Secrétaire Général Adjoint, pouvez- vous aujourd'hui faire son bilan de santé ?

Je peux jeter un regard sans complaisance sur le parti, de la base au sommet. Je voudrais d'abord affirmer haut et fort, en m'en réjouissant, que le Rdpc est resté une structure compétitive dans le contexte politique pluraliste au Cameroun. Cela n'était pas chose évidente, lorsqu'on regarde tous les risques encourras et la redoutable tournure des événements lors de l'ouverture de 1990. Les élections de 1992, les diverses manifestations qui se déroulent parci, par-là à travers le pays me rassurent quant à l'avenir de notre parti.

Il faut donc se féliciter que le Rdpc soit une structure pleine de vitalité. Cependant, notre bonne santé ne doit pas nous empêcher de constater que le Rdpc pourrait faire bien mieux, si la majorité de ses membres ou de ses responsables pouvaient véritablement se mettre dans "l'étoffe" de la compétition multipartiste. Les structures de base du parti ne se réunissent pas régulièrement.

Il en est de même de plusieurs structures au sommet. Si le Bureau Politique s'est réuni plus souvent, il n'est pas normal que les autres organes n'aient presque jamais tenus leurs assises. Lorsque quelques conférences de sous-sections ou de sections se tiennent ici ou là, elles ressemblent beaucoup plus à des grandes orgies qu'à de véritables conférences où des gens viendraient pour réfléchir sur le présent et l'avenir, élaborer et proposer des stratégies aux instances dirigeantes du parti.

Sous la direction, l'inspiration et l'impulsion du Secrétaire Général, l'équipe en place déjà a beaucoup innové, et les responsables de base prennent bien aujourd'hui la mesure du mal. Les Comités de base, qui sont de véritables cellules de base du parti, ne se réunissent pratiquement jamais pour réfléchir. Je faisais un peu allusion à cela lorsque je parlais d'un déficit de réflexion collective dans la vie politique au début de notre entretien. Il y a un énorme déficit de réflexion concertée, ce qui est regrettable pour le parti au pouvoir, pour le parti qui a eu l'initiative d'un certain nombre de réformes importantes. Cela peut avoir de profondes répercussions.

Au sommet par exemple, cela induirait un très grand risque, celui de décider sans avoir tous les éléments de la base. On pourrait alors être en opposition de phase avec elle. Si jusqu'ici il n'y a pas encore eu de décision très importante prise en contradiction avec la base, on peut dire tant mieux. Mais le risque demeure, il pourrait être grand et dangereux ! C'est peut-être parce qu'aucune décision n'est prise en fait ! Cet immobilisme au sein de votre parti rejaillit sur le pays tout entier ! Une structure qui fonctionne ne peut pas être assimilée à l'immobilisme.

Nous fonctionnons tout de même, et d'importantes décisions se prennent. Au sommet, j'ai souligné le problème des rencontres qui devraient avoir lieu. Une des choses qu'on peut reprocher à nos instances est que le parti a eu pendant longtemps tendance à fonctionner comme une administration, alors que nous sommes d'abord une association, qui plus est à caractère politique. La raison me paraît évidente : les responsables du parti unique dans notre pays ont été essentiellement des fonctionnaires. Quand vous jetez un regard sur l'ensemble des partis politiques aujourd'hui, vous voyez qu'il y a sur ce plan une nette évolution et cette évolution s'est faite aussi au sein du Rdpc et du gouvernement.

Depuis l'émergence de la compétition pluraliste, il y a une très grande évolution dans le fonctionnement du parti, qui conduit inexorablement les uns et les autres à la nécessité d'abandonner les méthodes du parti unique. Il reste cependant quelques vieux réflexes profondément ancrés en nous. Nous avons un certain nombre de problèmes nouveaux et nos instances ne se réunissent pas régulièrement. Quels problèmes ? Ce sont des problèmes tels que l'importante implication des jeunes et des femmes qui doit être plus accrue, la création d'associations apparentées au parti, ou les investitures au sein du parti.

Devant le silence des textes en vigueur jusqu'ici, il est difficile de déterminer les mécanismes régissant l'existence et le fonctionnement de telles associations, par rapport aux organesexistants du parti. Cela crée une certaine confusion dans la gestion deshommes, qui ouvre la porte auxluttes d'influence et aux égoïsmesde toutes sortes. Une duplicité nociveen ressort, qui va à l'encontre desintérêts du parti pour lequel on estcensé travailler.
Source Grégoire Owona, Unbâteau dans la tourmente, Douala,Intermedia, 1995, pp 27-29.
GRÉGOIRE OWONA, Germinal n°043, 07 octobre 2009

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