C'est ainsi que l'on maltraite les étudiants au pays de Paul BIYA
Les étudiants ont organisé diverses manifestations pour dénoncer une situation tendue liée aux logements universitaires.Pourquoi la dame présentée par les étudiants résidents de la cité universitaire Félix Eboué comme la bailleresse a-t-elle refusé de se reconnaître comme telle ? «Elle a dû se rendre compte de ce que les étudiants l’ont dénoncée, expliquait mardi Hervé Yao Ngangoue, le sous-secrétaire en charge des questions de logement de l’Association pour la défense des droits des étudiants du Cameroun (Addec). Nombre de bailleurs se comportent de manière à faire monter la tension et les autorités ne font rien. Voilà pourquoi nous avons décidé d’engager des actions de grande envergure.» De fait, la vingtaine d’étudiants qui ont tenu jusqu’à hier un énième sit-in devant la direction du centre des œuvres universitaires (Dcou) de l’université de Yaoundé I soutenaient aussi Souleymanou Majali, le secrétaire au logement de l’Addec, en grève de la faim depuis lundi, protestation interrompue hier pour faciliter les négociations avec les autorités.Sur le campus et alentour, tout semble normal cependant. Les étudiants vont et viennent en jetant quelquefois un regard interrogateur à la manifestation de protestation organisée par leurs camarades. Plusieurs résidents de la cité Félix Eboué content les circonstances du différend qui les oppose à leur bailleresse, Maureene Monoji. Laquelle ne reconnaît point être la maîtresse des lieux et la cause de leur malheur. Pourtant, les locataires la pointent de doigts accusateurs. Elle serait responsable de l’état de nervosité qui les anime. Avant de filer entre les murs humides et sales des deux blocs d’une dizaine de chambres de la résidence Félix Eboué, Mme Monoji a fait le tour du propriétaire, constatant bien que nombre de chambres ont été vidées par les occupants.
Conséquence «Nous ne partons pas de notre plein gré, elle nous chasse par des menaces et des violences», explique un résident sous le couvert de l’anonymat.D’après S. Njike, délégué des résidents, la bailleresse se serait proposée de rénover l’habitation. «Comme le prévoit le règlement, on aurait dû recourir à la Dcou pour organiser tout cela. Mais elle est passée outre parce qu’en réalité, ce qui fait problème, c’est l’acceptation de la grille des nouveaux loyers. On est passé de 12.000Fcfa à 4000Fcfa. Elle a rejeté cette homologation et prétend vouloir faire des travaux pour changer de catégorie. Toutes nos propositions de discussion ont été rejetées et le 11 septembre, elle est venue avec des malabars qui ont tout cassé et m’ont déboîté l’avant-bras», explique Sevany Sandjo, en présentant sa blessure.La conséquence pour ce jeune homme agressé à la veille d’une épreuve soumise aux apprenants de la quatrième année d’informatique, comme pour beaucoup d’autres étudiants, c’est que les examens de la session de rattrapage ont été compromis : «J’ai fait acte de présence mais je ne pouvais même pas me bouger sans problème.»
Au bureau de l’Addec, voisin du théâtre des affrontements récurrents entre bailleurs et étudiants, nombre de jeunes gens et filles viennent se plaindre. En deux semaines, pas moins de cinquante plaintes ont été enregistrées. «Nous ne savons plus où donner de la tête», se plaint André Benang. Dans le cahier des plaintes, ce sont les mêmes griefs qui reviennent : coupure du branchement au réseau électrique pour contraindre les locataires à partir depuis un, deux ou même quatre mois ; violences ; expulsions forcées en dehors de toute intervention judiciaire ; menaces d’expulsion ; enlèvement de portes et fenêtres ; destructions ou vol d’effets personnels ; fosses septiques pleines dont la vidange n’est pas faite en vue de pousser les étudiants à déménager et le sempiternel refus d’appliquer les loyers homologués qui ont considérablement fait baisser le coût du logement privé à Yaoundé I.
Face à la multiplication des exactions, nombre d’étudiants déposent des plaintes au commissariat de police et à la brigade de gendarmerie voisins.A la gendarmerie, par ailleurs mise en cause, l’on se refuse à parler de la question. «On est loin d’être satisfait. A la cité Félix Eboué par exemple, les résidents ont bizarrement dû faire face à l’agressivité des gendarmes qui leur demandent de signer des engagements à quitter les lieux, en dehors du règlement. Et le plus grave, c’est que les autorités ne s’émeuvent même pas de la situation. Le directeur du Centre des œuvres universitaires explique qu’il est impuissant», regrette Hervé Yao. Hier cependant, le syndicat estudiantin et les autorités ont tenu une réunion de trois heures et demie pour désamorcer la bombe.
Mutations, Jean Baptiste Ketchateng
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