Admettre le principe des candidatures indépendantes et une présidentielle à deux tours
Pauline BIYONG : Coordonnateur du Collectif des citoyens patriotes (Ccp), une organisation de la société civile, elle ouvre une série de réactions d’acteurs politiques, de la société civile sur la question du code électoral au Cameroun.
Le code électoral est de nouveau à l’ordre du jour alors que votre organisme l’avait déjà évoqué il n’y a pas longtemps…
C’est une très grande satisfaction pour le Collectif des citoyens patriotes. Ça toujours été notre préoccupation de voir adopter un code électoral au niveau du Cameroun. Maintenant qu’il existe un projet, qui a été transmis aussi bien au Premier ministre chef du gouvernement que à Elecam par le ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, notre souhait serait que ce soit un code électoral consensuel. Ça veut dire que le gouvernement accepte de consulter aussi bien les partis politiques, la société civile, Elecam, et pourquoi pas d’autres acteurs qui seraient intéressés à apporter leur modeste contribution dans l’élaboration d’un texte qui à mon humble avis, devrait la garantie des prochaines élections.
Il y a un débat qui naît sur la forme que doit prendre ce code électoral. Pour la société civile, quelles sont les attentes ?
Le code électoral a l’avantage qu’il y a un tronc commun, dont des dispositions communes aux différentes élections. Or jusque là, nous avons plusieurs lois qui régissent les élections, la présidentielle a une loi, l’élection des députés a une loi, celle des sénateurs, celle des conseillers régionaux et des conseillers municipaux. A la lecture de ces textes, vous vous rendez compte qu’il y a plusieurs articles qui se chevauchent. Dans le code électoral, tout ce qui est commun va être mis ensemble, et puis il y a des dispositions particulières à chaque type d’élection. Mais ce que nous trouvons très important, c’est que le contentieux électoral va considérablement être allégé. Parce que jusque là l’une des raisons de ce contentieux était justement la dispersion des textes sur les élections. On prendra mieux en compte, un certain nombre d’éléments qui nous tiennent à cœur, notamment l’acceptation à toutes les élections, des candidatures indépendantes. Ce qui n’est pas encore le cas pour les municipales et les législatives, les sénatoriales et les régionales. Si cela peut être admis comme un élément de tronc commun, ce serait une bonne chose. S’agissant de la présidentielle, nous pensons que le moment est venu de penser à une élection à deux tours. Nous savons que c’est difficile à accepter, mais nous constatons qu’il est difficile aujourd’hui de pouvoir gouverner avec une minorité, comme on l’a vu dans des pays voisins, parce que ça ne garantit pas toujours une légitimité du pouvoir. C’est vrai que lors de son, voyage en France en juillet dernier, le chef de l’Etat le droit de vote aux Camerounais de la diaspora. C’est peut être l’occasion, si tel est son vœu, de pouvoir introduire cette disposition dans le code électoral.
Au moment où il est à nouveau question de code électoral, peut-on revenir sur les autres propositions de votre structure ?
Vous connaissez tout le flou qui entoure le processus électoral. Il faut que les Camerounais soient dorénavant clairement fixés longtemps avant sur les dates des élections, sur les différentes procédures. C’est à la lecture de tout ce qu’il y a eu comme problèmes au cours des précédentes élections que nous pensons apporter notre pierre à l’élaboration de ce code électoral. Nous n’avons pas la prétention d’innover, mais nous pensons que le gouvernement a suffisamment pris en compte toutes les demandes qui sont jusque là formulées. Au niveau des préalables, nous pensons que le nombre de députés par circonscription devrait tenir compte du niveau de la population. Ce qui n’est malheureusement pas le cas actuellement. Nous allons saisir le Premier ministre chef du Gouvernement d’abord pour le remercier d’avoir accéder à cette demande qui n’est pas seulement celle de la société civile, mais également des partis politiques, du clergé, mais surtout qu’il tienne compte des avis et suggestions de la plupart de ces acteurs. A la limite, que l’on en fasse un débat public, pour une plus grande implication des citoyens camerounais. Ce qui peut abondamment contribuer à la décrispation de l’atmosphère politique.
L’ouverture de consultations envers les acteurs nationaux ne devrait il pas faire craindre que l’on en arrive à la situation de Elecam ?
Je pense qu’à partir du moment où le chef du gouvernement a déjà un projet de code électoral, il est souhaitable que ce projet soit remis aussi bien à la société civile qu’aux partis politiques et à tous les autres acteurs pour les différents amendements. En général, ce qui se passe, c’est que l’on vous convoque sans aucun document, vous en sortez sans document et l’on vous demande tout juste de faire des propositions. Et vous ne savez même pas sur quelle base vous allez faire ces propositions. Alors que là s’il y a un draft, autant être lisible, transparent et le mettre à la disposition de tout le monde. Quand on a une ébauche de document, l’on sait à peu près à quel niveau on peut faire des propositions.
Les délais de préparation et d’adoption de ce document vous semblent-t-il suffisants par rapport aux différentes échéances en vue au Cameroun ?
Je dirai d’abord que pour la présidentielle anticipée, nous avons pris position. Nous pensons qu’il est impossible aujourd’hui sans un changement de la constitution de procéder à une élection présidentielle de ce type. Il est impossible d’avoir des élections anticipées sans ce code électoral, car le transfert effectué il y a quelques jours en faveur de Elecam est un transfert administratif. Les différentes lois électorales au Cameroun continuent à préciser que les élections sont gérées par le l’Administration territoriale. Il y a donc cette légitimité qui doit être acquise pas Elecam. Et puis ce serait vraiment intéressant à travers ce code électoral de pouvoir corriger cet organisme qui doit contrôler les élections. L’on s’est rendu compte qu’il manquait un peu de cohérence entre la direction générale des Elections et le Conseil électoral. Elecam peut être introduit dans le code électoral comme un organe indépendant et modifier ainsi un certains nombre de dispositions de cet organe qui me paraissent faibles.
Lesquelles par exemple ?
Je pense par exemple au contrôle des élections qui sont le seul fait de Elecam. Nous comprenons mal que les partis politiques, la société civile ne fassent pas partie de ce contrôle. Je pense au nombre. Jusque là nous avons eu 11 membres du parti au pouvoir. En élargissant le Conseil électoral de Elecam, cela pourrait résoudre le problème. Il y a des pays moins grands que le Cameroun qui ont des organes électoraux d’une quarantaine de membres. Il faut un engagement ferme au niveau de l’Etat car il n’est pas évident de procéder au remplacement d’une machine comme celle de l’Administration territoriale est difficile. J’émets des doutes sur la fiabilité du processus et sur le fait que tout ce qui est prévu puisse l’être jusqu’en 2011. Mais comme on coutume de dire que “Impossible n’est pas Camerounais”, croisons les doigts.
Vous semblez vouloir forcer la main au président de la République dans le cadre des réajustements annoncés à Elecam…
J’indique encore qu’il n’y a pas une cohérence entre le Conseil électoral qui est comme un conseil d’administration et la direction générale qui dans les faits remplace l’Administration territoriale. Il faut une homogénéité. Il s’agit d’une très lourde machine. Il y a le nombre de membre de Elecam et j’insiste là-dessus. 12 ne suffisent pas. Il y a un problème de formation même de tout le personnel qui sera au service de cette structure. A un peu plus d’un an des élections, l’on a toujours l’impression que nous ne nous y sommes pas pris à temps pour assurer aux Camerounais des élections transparentes et libres. Il faut rapidement régler le problème des inscriptions sur les listes électorales qui passe par la maîtrise du fichier. Nous n’avons toujours pas le résultat du dernier recensement de la population. Ça me paraît difficile.
Propos recueillis par Jean Francis Belibi, Mutations
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