Le fantôme de Bibi Ngota fait parler Amadou Ali
Le ministre de la justice est sorti de son sommeil mardi 14 septembre 2010 à Yaoundé, à l’occasion d’un point de presse convoqué à la hussarde. « Le journaliste, Germain Cyrille Ngota Ngota alias Bibi Ngota est décédé des suites d’infections opportunistes liées au VIH/Sida, dans un contexte où le système immunitaire était complètement effondré », a plaidé le garde des sceaux. Rien de nouveau sous le soleil pour la centaine de journalistes nationaux et internationaux présents dans la salle des conférences du ministère de la justice. Le 23 avril dernier, le ministre de la communication, porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary avait brandi les mêmes « faits » à la presse. Amadou Ali dit tenir ces informations du médecin-chef de l’infirmerie de la prison centrale de Yaoundé, le Dr. Norbert Francis Ndi. Une version qui a du mal à passer. Les curieux présents au point de presse ont spontanément poussé de hauts cris d’indignation à la suite des propos du vice -premier ministre, ministre de la justice. « Les faits sont sacrés, s’est défendu Amadou Ali. Je donnerais une autre conférence demain que je ferais lecture du même rapport officiel ». A en croire le conférencier, la raison de sa sortie médiatique, pratiquement 05 mois après celle de son homologue du gouvernement, ne vise qu’à tordre le coup à la rumeur et à amplifier la vérité.
Toutefois, la Concubine du défunt, Essiane Colette soutient mordicus que son compagnon n’était « aucunement séropositif au VIH/Sida, au regard d’un bulletin de santé qu’ensemble ils ont effectué courant décembre 2009 ». A l’opposé, Ngoto Essiane père adoptif et oncle de feu Bibi Ngota dit n’avoir aucun doute que la mort de son neveu est naturelle. Certitude que partage la mère du journaliste, Ngoulou Mang née Edima Essiana Georgette. Elle a déclaré que son fils était malade avant son interpellation et refusait de suivre les soins dans les établissements sanitaires appropriés, préférant les centres de santé de seconde zone. Notons que, tous ces propos ont été rapportés à la presse par Amadou Ali.
Issa Tchiroma, présent au point de presse, a saisi le micro pour servir à l’auditoire un fatras sur le secret médical. A en croire le ministre de la Communication, le secret médical n’est « pas absolu ». Celui-ci réagissait à un procès que l’opinion lui avait fait suite à sa conférence du 23 avril, au cours de laquelle il avait publiquement attribué la mort de Bibi Ngoto au Vih/Sida. Déchirant de ce fait le secret médical.
Bibi Ngota n’a pas été torturé par la flicaille
« Une autopsie a porté sur le thorax, l’abdomen, le bassin et les organes génitaux du défunt. Du rapport dressé le 26 avril 2010, il ressort de l’examen externe du corps avec planche photographique à l’appui, une absence de lésions de coups et blessures et une absence de lésions traumatiques de torture, ni récente ni ancienne », affirme Amadou Ali. Et de poursuivre, « De l’examen interne du corps, le rapport a conclu qu’il s’agit d’un décès des suites d’une insuffisance cardio-respiratoire aiguë sur un lit chronique reposant sur une tuberculose pleuro-pulmonaire caséo-folliculaire ancienne associée à une péricardite sério-fibrineuse, facteur d’un important épanchement ». Du chinois pour l’auditoire profane. Certains plaisantins ont même prétendu que le ministre aurait été incapable d’expliquer ce qu’il lisait à tue-tête.
Cependant, selon des indiscrétions glanées à la présidence de la République, un rapport de l’Onu accablerait le Cameroun et indexerait les violations récurrentes des libertés individuelles et collectives. C’est en prévision de la publication prochaine de ce rapport explosif que le gouvernement a sorti l’artillerie lourde.
L’affaire Laurent Esso/Bibi Ngota
Le journaliste Bibi Ngota décède dans la nuit du 21 au 22 avril 2010 à l’infirmerie de la prison centrale de Kondengui-Yaoundé. Son décès avait suscité un tollé général, au point où le chef de l’Etat, d’habitude sourd à la clameur populaire, ordonna l’ouverture d’une enquête judiciaire. Laquelle sera confiée à la direction de la police judiciaire du Centre. Son rapport est déposé le 11 mai 2010 au parquet près le tribunal de grande instance du Mfoundi.
Le directeur de publication du journal, Cameroun Express, était détenu depuis le mois de février 2010, en compagnie des confrères Mintya Meka Harris, directeur de publication du groupe « Le Monde info/ Le devoir » et de Serges Yen Sabouang, patron du journal La Nation. Le quatrième larron, Hervé Nko’o Mvondo avait pu fondre dans la nature. En février dernier, Les quatre hommes ont exhibé un document prétendument signé du ministre d’Etat, Secrétaire général de la Présidence de la République, Laurent Esso demandant à l’Administrateur directeur général de la société nationale des hydrocarbures (Snh) de payer aux sieurs, Dooh Collins, expert financier, Antoine Bikoro, ancien Dg du chantier naval et industriel du Cameroun et Dayas Mounome, Dg du Port autonome de Douala, la somme de 1 milliard 375 millions Fcfa relative au financement par la Snh de l’acquisition du navire Rio Del Rey, par l’Etat du Cameroun.
Saisi du document, Laurent Esso a, par correspondance du 05 février, demandé au délégué général à la Sûreté nationale d’identifier le nommé Harris Robert Mintya, de l’entendre sur les faits de faux et usage de faux et de le déférer au parquet compétent. Appréhendés, Bibi Ngota, Serges Sabouang et Harris Mintya seront déféré le 05 mai sur initiative de l’enquêteur au parquet du tribunal de Grande Instance du Mfoundi. Le procureur de la République a requis contre les trois journalistes (Hervé Nko’o ayant pris la poudre d’escampette) une information judiciaire, avec mandat de détention provisoire pour les faits de contrefaçon des signatures et timbres, des marques et imprimés, faits prévus et réprimés par les articles 74, 96, 203 et 204 du code pénal.
D’après, l’hebdomadaire L’Anecdote du 14 septembre, Sabouang et Mintya se sont vu notifier le 08 septembre dernier la reconduction de 06 mois de leur période de détention préventive. C’est en principe le 10 septembre dernier, qu’expirait le délai semestriel de détention préventive des deux infortunés, tel que prévu par le nouveau code de procédure pénal. Les deux prévenus n’auront dont pas le privilège de comparaître libre. Rappelons que Harris Robert Mintya est toujours interné à l’hôpital central de Yaoundé. Il souffre d’une atrophie cérébrale corticale, consécutive à une agression qu’aurait perpétrée un bandit de grand chemin incarcéré à Kodengui, et répondant au nom d’Eteme. Sûr que l’affaire n’a pas livré tous ses mystères !
© Correspondance camer.be : Thierry Djoussi
Si la mort de notre pote Bibi Ngota fait mal et très mal même pour qu’on l’évoque ainsi en réveillant notre douleur, au plan de la forme, on ne peut que féliciter les résultats de la commission d’enquête commandée par Popol sur cette affaire-là, bien que dans le fond, le moment soit à mon avis mal choisi et en retard pour le résultat obtenu à cet effet. Notre souhait est cependant de voir toutes les commissions d’enquêtes donner des résultats sur d’autres affaires.
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