La liberté, rien que la liberté

La liberté, rien que la liberté

vendredi 17 septembre 2010

Cameroun : Le dictateur Paul BIYA ne quittera le pouvoir qu’après la mort




Le Président Paul Biya, lui, a trouvé sa voie : celle de mourir au pouvoir


28 ans de pouvoir, englués dans cinquante ans d’indépendance au terme desquels, comme toujours, le Cameroun cherche encore sa voie. Une voie qui, dans la perspective libérale, ne peut déboucher que sur le boulevard de l'échec et de l'immobilisme. Pendant ce temps, avec «une insouciance sautillante et parfumée», les camerounais, par leur comportement, donnent raison à René Dumont, cet ingénieur agronome français qui dans les années soixante disait déjà que l'Afrique noire est mal partie, selon qui, «les dirigeants africains confondent leurs fonctions régaliennes aux activités personnelles[...] s'accrochent toujours au pouvoir jusqu'à la mort». Lorsque cette attitude s'écrase sur un peuple comme un lourd fardeau, elle l’empêche de s’apercevoir que même libre, aussi longtemps qu’il ne transforme pas ses espoirs en moteur de son propre développement, toute liberté n’est qu’une servitude qui s’ignore.

Dans cette implacable logique de l’histoire, notre accession à l’Indépendance n’aurait dû être ni une fin, ni une finalité, mais le début et le point d’ancrage d’une faim véritable. La faim de notre dignité, hier hypothéquée par les colonisateurs, aujourd’hui domestiquée par nos hommes politiques. De fait, la dignité d’un peuple ne peut se forger que sur l’enclume de son énergie collective, ses intelligences non corrompues, sa volonté indifférenciée. Alors seulement, tous ses souvenirs, bons et mauvais, se pourront transformer en un avenir d’où n’affleure aucune nostalgie du passé. Or, sur le mode de l’absurde et en une sorte de projection paradoxale, nous en sommes aujourd’hui à nous demander si la colonisation n’as pas été un mal nécessaire. Si tant est qu’un mal puisse participer de la nécessité.

A la faveur de cette terrible interrogation historico-ontologique, l’on fait coïncider l’anniversaire de notre Indépendance avec un retour en arrière de cinquante ans dans le développement, cristallisant ainsi par ce hasard objectif, notre temps historique en un temps monumental par lequel, un homme, s’imaginant l’Alpha et l’Omega de notre histoire, s’arroge le pouvoir de suspendre le temps, le temps de réaliser son dessein personnel, qu’il prend pour notre destin collectif.

Par ailleurs, l'homme du 6 novembre 1982 au Cameroun a été une semence on ne peut plus fertile. Mais, vingt-huit ans ans après, pour que le grain ne meure dans le sol encore réceptif de notre conscience citoyenne, nous sommes toujours en attente, ne serait-ce que d’un début de germination. A moins que l'endroit où cette semence avait été enfouie dans le sol ne soit plus repérable du fait des larcins des laboureurs de la terre nommés par leur chef et issus d'une même chapelle politique au pouvoir.

C’est que nos dirigeants d'aujourd’hui avec en tête leur chef de file ont littéralement oublié leur mission historique : impulser une dynamique collective pour bâtir «un peuple d’êtres humains et non d’individus.» D’individus dont l’individualité ne dépend que de leurs positions de pouvoir et des avoirs que cela permet d’accumuler.

Aujourd’hui, aucun Camerounais n’est plus dupe sur la capacité de nos hommes politiques à faire autre chose que de la politique. Or, à en croire Cioran, dans la vie d’une nation, «Rien de plus dangereux que la volonté de ne pas être trompé. La lucidité collective est un signe de lassitude. (…) Chaque citoyen devient alors une petite exception, et ces exceptions accumulées constituent le déficit historique de la nation.»

Ainsi, la démocratie n’est plus ni aspiration, ni inspiration : aspiration du peuple à l’affirmation de sa souveraineté, inspiration des gouvernants pour asseoir une véritable bonne gouvernance. C’est pour cette raison que face au trop-plein de vie affiché par nos dirigeants, les camerounais, stoïques et blasés, cherchent la voie du salut en une sorte de «culte de la vie par manque de vie.» Car, «il est naturel qu’un peuple qui meurt ne veuille pas mourir.»

Le Président Paul Biya, lui, a trouvé sa voie : celle de mourir au pouvoir. Dans son Eldorado d'égoïste, tout est si parfait qu’à France 24 qui l’interrogeait il ya de cela quelques temps sur ses échecs éventuels, il a répondu sans sourciller : «J’ai fait plus et mieux que ce que je devais» ! Pendant ce temps, les populations subissent les coupures d'électricité, le manque d'eau potable, l'insécurité, la hausse des prix semble échapper à tout contrôle, défier toute logique, nos routes sont devenus des terribles mouroirs, le choléra bat son plein en plein 21è siècle au Cameroun...

De plus, dans la conduite des affaires d’une nation, tenter et ne pas réussir, ce n’est pas un échec. C’est même une belle réussite. L’échec irrémédiable réside plutôt dans la conviction que l’on est infaillible et de fonder toute son action sur cette croyance. Les illusions solitaires du chef sont alors autant de désillusions pour le peuple qu’il dirige. Pourtant, en politique comme dans la vie, tant qu’il y a vie il y a espoir.

Mais en politique, espérer, c’est s’asservir aux promesses des hommes politiques, qui, comme les flatteries du flatteur, n’engagent que ceux qui y croient. Or donc, espérer, c’est s’asservir, ne pas espérer, c’est refuser la vie : espoir et servitude. Telle est la «branloire pérenne» à bord de laquelle on nous embarque depuis 28 ans et dont le bout du tunnel est encore loin et ne sera jamais atteint si le peuple n'impulse pas d'une seule voix le renversement de l'ordre établi actuel. (A Suivre)
© Correspondance camer.be : Olivier Berhuse

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire