La liberté, rien que la liberté

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vendredi 4 septembre 2009

BIYA JOUE CONTRE SON PEUPLE


Paul BIYA est-il encore digne de la fonction présidentielle ?


Après l'affaire des " Biens mal acquis " qui a provoqué les réprobations, parfois hypocrites, des thuriféraires du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) qui, en voulant réfuter, par le biais des motions de soutien, les soupçons qui pèsent sur le monarque présidentiel, ont contribué à répandre l'idée selon laquelle Paul Biya a pris des libertés avec l'argent public, voici que les médias français, France Inter et Radio Fidélité Nantes, viennent une fois de plus jeter un pavé dans la marre.
Ces médias nous ont révélé, le jeudi 27 août 2009, que sa Majesté Paul Biya, Roi du Cameroun se repose dans un palace de La Baule. Avec sa suite, ils ont occupé 43 chambres pour un montant journalier d'environ 27,5 millions de F Cfa, soit une dépense totale estimée à plus 650 millions de FCfa. Mieux que les vacances de Sarkozy, Bush et Obama réunis.
En partant du Cameroun, le Cabinet civil avait pourtant annoncé, comme à l'accoutumée, dans un communiqué laconique, que " le président de la République, Son Excellence Monsieur Paul Biya, a quitté Yaoundé […] le 15 août 2009 en fin de matinée, en compagnie de son épouse, Madame Chantal Biya, pour un court séjour privé en Europe ". Peut être s'agissait-il d'un euphémisme pour faire comprendre aux Camerounais que le monarque allait en vacances.
Le directeur du Cabinet civil, Martin Belinga Eboutou, n'avait pas jugé utile de préciser qui sont ceux qui étaient membres de la délégation présidentielle. C'est en prenant connaissance du nombre de chambres réservées à l'hôtel L'Hermitage de La Baule, un palace de cinq étoiles, que les Camerounais se rendent compte que Paul Biya était accompagné d'une suite impressionnante.
Paul Biya a droit aux vacances. Il est d'ailleurs normal que quelqu'un qui se tue à la tâche, qui travaille 25 heures sur 24, pour que le Cameroun devienne un pays Pauvre très endetté, il est normal, disions-nous, que le monarque qui, de février 2009 au 31 août 2009, a passé 86 jours à l'étranger (dont 65 jours pour " un court séjour privé " et 21 pour une visite officielle pour un total de 247 jours) se fasse déstresser par des séances de thalassothérapie afin d'éviter le surmenage.
Sa Majesté Paul Biya est coutumier des longs brefs séjours privés en Europe. Le décompte de ses sorties en 2008 est plus révélateur. Parti le 28 mai 2008, il est revenu le 19 juin ; avant de réembarquer pour un autre "court séjour privé" en Europe le 27 août. Rentré au Cameroun le 10 septembre, il résidera seulement une petite semaine, avant de repartir le 18 septembre. Après une brève apparition, à New York, à la 63ème assemblée de l'Onu et une pige au Canada, l'homme lion disparaîtra avant de réapparaître au Cameroun le 3 novembre 2008. Cela fait quelque 82 jours (deux mois et demi) en sept mois (de mai à novembre 2008) hors des frontières nationales et 130 jours sur 365 (5 mois plus 7 mois égale 12 mois, soit un an) dans le cadre de "courts séjours privés".

Si le calcul s'étendait sur les 27 ans de règne ? Cela représente également un bon pactole, sorti des caisses de l'État.
Là où le bât blesse, c'est que ces centaines de millions de FCfa sont gaspillés au moment où des Camerounais vivent avec moins de 500 FCfa par jour, au moment où ils éprouvent d'énormes difficultés pour envoyer leurs enfants à l'école, au moment où des milliers de Camerounais meurent quotidiennement de paludisme faute de quinine et d'aspirine. Avec 650 millions de FCfa, ne pouvait-on pas construire 43 centres de santé en raison de 15 millions de FCfa chacun ; ne pouvait-on pas construire 65 salles de classes dans nos écoles de campagnes en raison de 10 millions de FCfa chacune, ne pouvait on pas acheter des médicaments pour 130 centres de santé en raison de 5 millions de FCfa par centre, ne pouvait-on pas mettre à la disposition des jeunes scolaires camerounais 1625 ordinateurs en raison de 400 mille FCfa par ordinateurs, etc.?
De manière évidente, la vie et le bien-être des Camerounais sont le dernier des soucis de Paul Biya. Tout ce qui compte pour lui, c'est de jouir des délices du pouvoir. Sinon, comment comprendre son mutisme après les deux catastrophes survenues le vendredi et samedi dernier ? Alors qu'en France où il est en villégiature, il suffit qu'un accident, de l'ampleur de ceux survenus à Yaoundé, survienne quelque part sur le territoire français pour que Nicolas Sakorzy s'y déporte pour assister les familles éplorées ou que Paul Biya lui-même se presse d'adresser une lettre de condoléance à son homologue et au peuple frère et ami français.
Et les paroles d'Abel Eyinga sonnent dans nos oreilles comme un avertissement à prendre très au sérieux. Les propos de l'auteur de Mandat d'arrêt pour cause d'élections permettent de mieux connaître l'homme. Abel Eyinga déclare : " Un dimanche, à la cité universitaire de Paris où j'habitais alors, nous sommes partis un certain nombre, en groupe, pour déjeuner au restaurant de la Maison Internationale, le seul qui ouvrait le dimanche dans le secteur. Au retour, nous sommes montés six ou sept dans ma petite chambre pour continuer notre chahut d'étudiants.
Parmi les chahuteurs, quatre Camerounais dont Biya, un Togolais, ma fiancée française, une normalienne que j'emmenais déjà aux réunions de l'Association et que Biya connaissait bien. A un moment, nous l'avons entendue interpeller Biya en disant :. "Mais qu'est-ce qui t'intéresse donc dans la vie, jeune homme. Je ne te vois jamais aux réunions de l'Association des étudiants camerounais… " Biya lui a répondu du tic au tac : " Ce qui m'intéresse dans la vie, ma chère ? Je vais te dire : un bon compte en banque, de belles maisons, de belles voitures…". A méditer
Tout ceci pour dire que Paul Biya est un jouisseur impénitent doublé d'un vacancier au pouvoir. Emmanuel Afriri estime, à raison, qu'il est " un messie fainéant connaissant mieux les parcours de golf que le Conseil des ministres et dont la fortune est proportionnelle à la misère des Camerounais " (Billets d'Afrique et d'Ailleurs, n°182, juillet 2009).
Somme toute, les affaires des " Biens mal acquis ", et cette nouvelle gabegie présidentielle repose la question de l'éthique, mais surtout de la capacité de l'hôte provisoire (chaque chose ayant un début et une fin) d'Etoudi à incarner la fonction présidentielle. Car, un chef de l'État n'est pas digne de cette fonction si, dans sa pratique quotidienne, même dans ses moments de détente où son image continue d'importer à ses concitoyens, il ne se veut pas président et responsable de tous les Camerounais, dans ses actions quotidiennes, il ne privilégie pas toujours l'intérêt de ses concitoyens.
Dans le contexte actuel marqué par de multiples crises et la " paupérisation anthropologique " (Engelbert Mveng, 1992) , ce sont les choix politiques de Paul Biya qui permettront la réalisation du consensus et de l'unité nationale que l'on souhaite de tous les voeux à longueur de discours et de déclarations d'intention, et qui éviteront à notre société de se déchirer pour l'essentiel comme pour l'accessoire, pour le conjoncturel comme pour le fondamental.
Toujours est-il que " Les plus coupables grands criminels ne sont pas ceux qui commettent un homicide sous la poussée de la passion mais ceux qui enlèvent de la bouche des millions d'hommes ce qui est nécessaire à la survie et à la paix sociale dans la collectivité " (Keba Baye, in Le Soleil, du 31 décembre 1979). Aussi Patrice Etoundi Mballa soutient-il que et " les plus coupables d'entre nous ne sont pas toujours ceux qui sont en prison " (Cameroon Tribune, n°400, 29 octobre 1987, p.8.)
Face à des situations surréalistes que vivent les Camerounais, il est normal que des citoyens d'un État dit de droit expriment leur indignation démocratique.
© Germinal n°040 du 31 août 2009 : Jean Bosco Talla

1 commentaire:

  1. Le seul grand message que j'ai à adresser à Sa Majesté Paul Biya,c'est de peu courir quand on a trop mangé!

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