Les visages de l’insécurité dans la région de l’Ouest
Foumban / Koutaba : Deux villes en état d’alerte
Après l’attaque contre préfet la semaine dernière, l’axe lourd reliant la ville de Foumban à celle de Koutaba est resté sous forte surveillance des forces de l’ordre.
Le préfet Fritz Alain Ndibi du Noun a calmement repris ses activités. Il s’est rendu à Bafoussam samedi dernier, en empruntant la route sur laquelle il a failli laisser la vie en début de semaine dernière. En rentrant de Yaoundé où il était allé percevoir son solde mensuel, le préfet s’était heurté à un gang de coupeurs de route, au marché à bétail, juste au moment où son véhicule venait d’entrer dans la ville de Foumban. Les forces de l’ordre ont été mobilisées pour laver au plus vite cet affront.
Si le préfet l’a échappé belle grâce à l’adresse de son chauffeur, le greffier en chef de Foumbot a été dépossédé de ses deux téléphones portables et d’une somme de 45.000 Frs au marché à bétail, à la sortie de la ville de Foumban, endroit où a été tendue l'embuscade au préfet. Les brigades de gendarmerie de Foumban et le commissariat de la même ville, ont travaillé en équipe. Appelé en renfort, une équipe mixte du Bataillon des troupes aéroportées (Btap) et celle du Bataillon d’intervention rapide (Bir) se sont associées à la gendarmerie de Koutaba. Ce qui a permis de mettre aux arrêts, mardi et mercredi derniers, une demi douzaine de personnes, qui sont actuellement entendues. C’est après cette grande rafle décriée par les mouvements des droits de l’homme du Noun que le calme est progressivement revenu dans le dépatement. De source policière, parmi les suspects arrêtés, deux sont des bergers qui dirigeaient un bétail. Ils doivent expliquer pourquoi ils ont abandonné leur bétail à l’endroit où le préfet a échappé à une embuscade, pour être arrêtés plus loin. Deux autres suspects, qui sont des repris de justice, ont été interpellés en journée, non loin du lieu de l’embuscade tendue au préfet. Après une fouille minutieuse, la police aurait découvert dans leurs locaux, des cagoules et des armes de fabrication artisanale qui, vraisemblablement, auraient servi à l’attaque du préfet. Pour l’instant, les sources policières ne permettent pas de confirmer ou d’infirmer ces allégations.
Honoré Feukouo
Bafang : Cinq présumés braqueurs arrêtés par la police
En attendant leur passage devant le Tribunal militaire, ils ont été présentés à la presse vendredi dernier.
S’achemine-t-on vers la réduction des cas d’agressions et de braquage dans les environs de la ville de Bafang ? Des responsables de la police y croient, depuis l’interpellation de cinq présumés braqueurs entre le jeudi 24 et le samedi 26 septembre 2009. Kuidja Nendou Christophe, alias Longueur, né le 11 novembre 1989 ; Nzomo Tchientchi Christel, alias Tonton, né le 24 août 1985 ; Ngameko Merlin, alias Pangop, né le 25 août 1985 ; Deutcho Frédéric alias Fredo, né le 1er janvier 1977 et Tchialeu Tcheugoué Raphaël, né le 5 août 1987 ont été interpellés à deux reprises entre Bafang, Kékem et Manjo. Au moment de leur interpellation, ils étaient en possession d’un revolver et d’une arme de fabrication artisanale chargés de trois munitions de calibre 12. Selon le commissaire de sécurité publique de Bafang, Abe Abe Max II, qui dit avoir planifié et coordonné personnellement l’opération, les cinq malfrats toujours gardés dans son unité seraient passés aux aveux complets. Interpellé à Kékem, c’est Kuidja Nendou qui a dénoncé ses complices. « Une fourgonnette a été attaquée dans la nuit du 19 au 20 septembre au lieu dit Famkeu (environ 5km à la sortie de Bafang vers Kékem), une zone où le réseau téléphonique ne fonctionne pas. Une deuxième attaque a eu lieu du 23 au 24, au même endroit. Dès que nous étions informés, une équipe descendait sur le terrain mais les brigands avaient déjà disparu ». Sur la base d’un réseau de renseignements, la police apprendra qu’avant ces coups, les quatre autres se retrouvaient chez Tchialeu Tcheugoué Raphaël, non loin de Bafang pour planifier l’action. Selon une source proche de l’enquête, ils ont reconnu avoir perpétré d’autres coups pendant les deux derniers mois. Notamment en profitant des pluies diluviennes qui sont tombées dans la zone. Ils ont agressé des personnes, volé le câble téléphonique et cambriolé des maisons. Deux morts de suite d’agression ont en effet été enregistrées dans le village Fondjomoko, au lieu dit « Première étape », il y a deux semaines. Le Jour a appris auprès de la police que toutes les personnes interpellées étaient des repris de justice. La même source affirme que dès l’annonce de leur interpellation, cinq victimes sont venues de Manjo dans le Moungo se plaindre des exactions de cas bandits. Elles avaient la particularité d’avoir chacun plusieurs villes de résidence. « Nous nous sommes rendus compte qu’après chaque coup, ils se déplaçaient. Or, l’extrême mobilité des malfrats rend notre travail très compliqué. La bande que nous venons de démanteler avait des bases entre Manjo et Makenené, donc pratiquement sur trois provinces. Quand ils volent, ils se réfugient ailleurs », explique le commissaire principal Abe Abe.
Franklin Kamtche
Massangam : Le véhicule de la mairie au secours des gendarmes
Les forces de l’ordre de cet arrondissement du Noun observent un manque criard de matériel roulant pour combattre le banditisme.
L’adjudant chef Amadou Ndam commandant de la brigade de gendarmerie de Massangam, essaye tant que possible de vanter les exploits qu’il accomplit avec son personnel réduit au strict minimum pour contenir les bandits hors de son arrondissement. « Nous ne pouvons pas faire mieux avec nos moyens de bord qui sont déjà assez limités», explique l’un de ses adjoints. La brigade ne dispose d’aucun matériel roulant. «Pour effectuer des descentes sur le terrain, nous sommes obligés d’emprunter le véhicule de la mairie ou celui du sous-préfet, s’ils sont disponibles. Dans le cas contraire, nous nous retrouvons complètement handicapés », affirme sous couvert d’anonymat un gendarme. Ce problème de matériel n’est pas une particularité de Massangam. Il peut être généralisé aux autres brigades de gendarmerie du département du Noun. « Nous avons un véhicule qui reste parfois des semaines cloué sur place, parce que nous ne disposons pas des moyens pour ravitailler le véhicule en carburant. Lorsqu’il y a une panne, je vous assure que notre véhicule devient inutilisable pendant des mois. On nous demande de réaliser des exploits pour combattre le grand banditisme qui est bien ancré ici dans le Noun. En même temps, on nous oublie quand il faut nous donner des moyens de travail », explique sous anonymat, un commandant de brigade dans le Noun. Les bandits, notamment les coupeurs de route, qui sont au courant des difficultés des forces de l’ordre ne se gênent pas pour lancer des opérations à quelques km de la ville. C’est ainsi que sur la route Foumban – Magba- Banyo, les coupeurs de route s’installent juste à la sortie de la ville et opèrent parfois pendant plusieurs jours. Ils s’enfuient après avoir vu un véhicule de police qui arrive plusieurs jours après.
Honoré Feukouo
Réactions
Degrmaud Njifon, journaliste : « Les comités de vigilances se sont fatigués »
Avant, il y avait des comités de vigilances que l'ancien préfet Bapès Bilong Dieudonné avait mis en place. Ils faisaient un travail titanesque. Ils se sont progressivement fatigués, tous comme les forces de l'ordre qui étaient restés en éveil depuis l'assassinat l'année dernière du commandant de Massagam. Maintenant, l'insécurité revient au galop dans la ville de Foumban au point ou le préfet est agressé. C'est le même problème dans les autres villes de l’Ouest.
Amadou Moncgharé, leader associatif : « Les policiers doivent être plus agressifs »
L'insécurité est ancrée dans le département du Noun. Le Noun joint l'Ouest au grand Nord et même aux pays voisins. J'ai l'impression que les frontières sont assez poreuses et beaucoup de personnes peuvent facilement transiter d'une région à l'autre. Les bandits en profitent pour s'installer et s'imposer. Il revient à ceux qui ont la charge de la sécurité locale, d'être plus vigilant, et même plus agressifs.
Noun : Les brigands imposent leur loi
Armés d’armes à feu de fabrication artisanale, ils n’hésitent plus à s’attaquer même aux autorités.
Vendredi dernier, 2 octobre 2009, sur l’axe Foumban –Massagam, la police a découvert le corps d’Oumaro Moapi. Ce jeune moto taximen de 25 ans qui avait disparu depuis 2 jours, a été tué, selon les sources policières, par des bandits qui l’ont par la suite dépossédé de sa moto. C’est le dernier cas en date, qui survient juste trois jours après, l’attaque subie par le préfet du département du Noun. Il a fallu que le préfet ait à sa disposition un chauffeur courageux pour échapper aux coupeurs de route en pleine ville de Foumban. Il y a juste un an, le commandant de la brigade de Massagam, n’avait pas eu la même chance. Les bandits l’avaient intercepté sur la route Massagam Foumban. Ils l’ont tué après l’avoir dépossédé de tous ses biens et ont emporté en souvenir son arme. L’officier de police Alim Yassen, se trouve encore mal en point. Il a reçu une balle en pleine poitrine, il y a juste 2 mois. Ce soldat voulait de manière héroïque empêcher les bandits de cambrioler son domicile. C’est à ce moment que l’un des bandits lui a tiré dessus, à bout portant. Mangué Felix né vers 1981 à Foumbot, Kombo Jaret né en 1990 à Bamenda et Aboubakar Njitanfou (30 ans) ont été arrêté le mois dernier à Foumbot. Ce gang spécialisé dans le braquage des fermes d’élevage avait osé s’attaquer à l’adjudant chef Onana Engama, commandant de la brigade de Foumban. Les bandits qui opèrent dans le Noun n’ont plus aucune crainte, même lorsqu’il faut s’attaquer aux autorités. Surtout qu’ils ont facilement à leur disposition des armes de fabrication traditionnelle. Le gouverneur de la région de l’Ouest, Pascal Mani, pour restreindre cette action, avait au début de l’année pris une mesure interdisant la fabrication des armes à feu fussent-ils pour une utilisation traditionnelle. Il s’est heurté à un refus catégorique des chefs traditionnels locaux, qui voyaient en cette décision une façon de tuer la tradition à l’Ouest. Dans le Noun, présenté comme un département des artisans, l’on retrouve partout des personnes aptes à fabriquer ces armes.
Honoré Feukouo
Bafoussam / Foumban : Des hommes en tenue et des repris de justice aux manettes
Outre les récidivistes, policiers et gendarmes sont également auteurs d’actes de banditisme.
Considéré comme l’un des plus grands chefs de gang des coupeurs de route dans le Noun, Christophe Ghomsi est toujours recherché. Cet homme né en 1968 a plusieurs fois séjourné dans les prisons de Bafoussam, Bamenda, Foumban et Mantum. A chaque fois, il s’est évadé, et a continué son action. Il y a deux mois, il avait été arrêté à Koutaba après avoir été dénoncé par la population locale. Comme il l’avait dit au moment de son arrestation, il s’est retrouvé en liberté le lendemain. Le gendarme major chargé de le surveiller se trouve actuellement, à en croire sa hiérarchie, interné à la prison de Bafoussam. Il est accusé d’avoir volontairement libéré le détenu. Le 20 août 2009, le commandant de la brigade de Malantouen, aidé par des forces venues de Koutaba a saisi un gang de coupeurs de route, qui, depuis plusieurs mois, semait la terreur dans le Noun. Il s’agissait de Pouamoun Idriss (25 ans), Njoya Salifou (19 ans), Pambouadem Peter Jonas (25ans) et de Nga Aliasou (25 ans) le chef de gang. Tous avaient été identifiés comme des repris de justice. L’incompréhension s’est posée, lorsque les deux derniers bandits arrêtés ont reconnu être des récidivistes. Ils avaient déjà été arrêtés, jugés et condamnés pour les mêmes faits, quelques mois plus tôt. Ils se retrouvaient en liberté, alors qu’aucun signal de leur évasion des prisons n’ait été officiellement signalé. La complicité entre les forces de l’ordre et les bandits, est plus qu’évidente, de l’avis de certains. Plusieurs fois, des bandits ont été arrêtés avec en leur possession des armes qui appartenaient aux hommes en tenue. Ces armes, selon certaines sources policières, n’avaient jamais été déclarées comme égarées. Parfois, ce sont des hommes en tenue qui se muent en bandits. L’officier de police Alim Yassen l’a appris à ses dépens. Le 2 juillet dernier, un gang de 4 bandits armés, fait irruption au quartier Koukouat Maloun à Foumban. Ils effectuent leur braquage en passant d’un domicile à l’autre. L’officier de police sort de son domicile et essaye de s’interposer en brandissant son arme. Il reçoit en pleine poitrine une balle. Avant de s’écrouler, il tire sur l’un des brigands. Ce dernier, qui s’est par la suite échappé, a été identifié comme un gendarme par les forces de l’ordre. L’on n’a pas encore pu identifié à quelle brigade il appartient. Bien de fois, lorsque les éléments du Bataillon des troupes aéroportés (Btap) et les soldats du bataillon d’intervention rapide (Bir) de Koutaba ont été associés à des opérations pour arrêter les coupeurs de route. Ils ont généralement ramenés dans leurs gibecières des braqueurs parmi lesquels des soldats appartenant soit à l’armée camerounaise, soit à celle d’un pays voisin.
Honoré Feukouo
Mode opératoire : Quand la route se coupe avant le deuil
Pour opérer, les « coupeurs de route » ciblent les occasions précises : période de grands funérailles, rentrée scolaire ou réunions familiales.
Dans la région de l’Ouest, les gens ont désormais la culture du voyage de nuit. A Bafoussam, Mbouda, Bafang, Foumban ou Dschang, beaucoup de personnes voyagent pendant la nuit. Selon un agent des forces de l’ordre ayant déjà officié dans cinq provinces, les routes de l’Ouest sont plus fréquentées la nuit. La raison : l’absence des tracasseries policières comme en journée, explique André Marie Yimga, un habitué des voyages nocturnes. Malheureusement, certains voyages finissent mal. Une nuit de janvier 2009 vers 4h du matin, entre Bangoua et Bangangté dans le Ndé, des braqueurs ont intercepté plus de 40 gros bus de diverses compagnies, qui depuis que les menaces se sont précisées vont en cortège. Il n’y eut aucun mort, mais des gros porteurs avaient failli tomber dans le ravin, en tentant de fuir. « Si on ne répondait pas de manière énergique à ces attaques, le trafic connaîtrait de sérieuses perturbations. En attendant qu’un autre gang se constitue, nous sommes sûrs de respirer pendant un temps », assurait hier Max Abe Abe, le commissaire de sécurité publique de la ville de Bafang. Celui-ci est resté le qui-vive malgré le week-end. Selon ses analyses, le braquage dans cette région est en effet épisodique. Habituellement, les voleurs ciblent les occasions précises: rentrée scolaire, grands deuils, réunions familiales, etc. Des circonstances où l’on se déplace avec beaucoup d’argent. Les exemples parlent d’eux-mêmes. Dans la nuit du 7 février 2009, la luxueuse voiture du député Rdpc de Wouri Est, Célestin Ketchanga, était attaquée par des braqueurs à Bamena, non loin du carrefour Tchaya Optique, dans le département du Ndé. Les occupants du véhicule ainsi que tous ceux qui les avaient précédés sur la route, couchés sur la chaussée, avaient eu la vie sauve grâce à l’aide de camp du député, qui n’avait pas hésité à ouvrir le feu sur les assaillants. Trois morts furent enregistrés parmi les bandits. La dizaine de coupeurs de route avait usé des troncs d’eucalyptus pour mener leurs opérations. Le samedi 16 février, les populations du village Batcha dans l’arrondissement de Bana, ont subi les foudres des agresseurs sur la route qui mène dans la montagne. En l’espace d’une semaine, près de dix agressions et coups de vol avaient été enregistrés aux alentours du village Bana. La création des postes de gendarmerie dans le théâtre opérationnel des braqueurs comme à Balambo, à Bangou, à Bangoua sur l’axe Bangangté – Bafoussam ou encore l’équipement de certaines unités en matériel roulant sont quelques signes de la volonté des pouvoirs publics d’en découdre. A condition qu’ils ne privilégient pas le contrôle routier.
F.K.
Ouest : Emmanuel Edou promet la redynamisation de la police
Le délégué général à la sûreté nationale lors de sa récente visite à l’Ouest a évoqué la révision de la politique de gestion des hommes et du matériel pour lutter contre le grand banditisme.
Le groupement mobile d’intervention (Gmi) de Bafoussam est logé dans un local exigu situé en face du commissariat central. Les commissariats d’arrondissements n’ont rien trouvé d’autres que de louer des maisons d’habitation, pour s’y installer. C’est le premier constat qu’a noté Emmanuel Edou, le délégué général à la sûreté nationale, lors de la tournée qu’il a effectuée du 18 au 21 septembre dans les régions du Nord-ouest et de l’Ouest. Comme première décision, Emmanuel Edou a promis la dotation des moyens financiers nécessaire au cours de l’année 2010, pour permettre la construction, d’un local digne de ce nom, pour abriter les services du Gmi de Bafoussam. Le site choisi est un espace appartenant à la police situé au voisinage de l’hôpital de la police de Bafoussam. La politique de « redynamisation des forces de police camerounaise» proposée par le nouveau délégué général à la sûreté nationale passe aussi par le renouvellement du parc automobile vieillissant de la police et de son personnel. Pour lutter contre la grande criminalité, Emmanuel Edou, sans faux fuyant lors de son escale de Bafoussam, avait fustigé la corruption et les lourdeurs, qui empêchent la police de bien faire son travail. Sur ce point, il a invité les chefs d'unités à reprendre en main leur personnel et à bien assumer leurs missions. Le gouverneur de la région de l’Ouest, Pascal Man, avait d’ailleurs rappelé à l’occasion le combat qu'il mène actuellement contre ces policiers, qui ont pris l'habitude de multiplier les contrôles routiers, tout en laissant les bandits imposer l'insécurité partout dans la région.
Le jour, Honoré Feukouo
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire