L’Opposition camerounaise en panne de stratégie
Il y a quelque temps au cours d’un débat télévisé, j’affirmai que la « démocratie » nous été imposée, non pour des besoins d’épanouissement de notre peuple mais, bel et bien pour une meilleure emprise de l’occident sur notre souveraineté et partant sur les ressources stratégiques dont regorge notre pays. Il est bon de garder présent à l’esprit que nous n’avons jamais été autre chose qu’une source d’approvisionnement pour l’occident et que même si les méthodes ont changé, les relations entre les nations occidentales et les nôtres n’ont pas fondamentalement varié et repose essentiellement sur la sauvegarde des intérêts occidentaux, sur fond de rapport de force. Un petit tour dans l’histoire nous enseigne que l’occident chrétien est promoteur du capitalisme d’où d’individualisme.
La même histoire nous enseigne que le plus grand ennemi du capitalisme/christianisme fut le marxisme, une doctrine philosophique fondée sur le matérialisme et la lutte des classes. Retenons également pour mémoire que le matérialisme est cette doctrine qui considère le matériel comme la seule réalité. Les deux doctrines se sont livrées une guerre sans merci qui s’est soldée par la victoire partielle du capitalisme occidentale car faut – il le rappeler, le pays le plus peuplé au monde, la Chine, se réclame toujours du communisme. Sans compter que la Russie et Cuba, n’ont pas jeté l’éponge. Il est bon de savoir également qu’au moment où l’occident chrétien et l’occident athée se livrent une guerre idéologique sans merci, celle – ci se matérialise sur le terrain en terme de géopolitique. En Afrique, ce conflit ce traduit par le partage du continent à travers la création d’Etat ne tenant guère compte des réalités socio anthropologiques, se fondant essentiellement sur les intérêts occidentaux.
Cette division du continent est à l’origine du drame existentiel que nous vivons à ce jour. En effet, à la tête de nouveaux Etats ainsi crées, seront placés des hommes liges, au patriotisme débridé, tandis que les vrais nationalistes furent décapités. Dans le même temps, les stratèges occidentaux, s’arrangent à entretenir la zizanie, en opposant les citoyens de ces nouveaux Etats, à travers des techniques exacerbant la fibre tribale sur fond de lutte idéologique et politique.
Tâche relativement facile d’autant plus que l’on ne nous a jamais demandé notre avis pour nous mettre ensemble. Question, qu’est-ce qui a motivé le colon pour qu’il mette ensemble le Fan de KIOSI et le MOUSGOUM de l’Extrême nord, le séparant du FAN d’EBEBIYIN de Guinée Equatorial ou encore celui de BITAM au GABON. A ce jour, on voit bien que parmi les problèmes qui minent notre pays, il y a ce tribalisme, dont se servent à merveille nos gouvernants pour se maintenir au pouvoir et mieux préserver les intérêts de leur maîtres occidentaux.
Lorsque nous accédons aux « indépendances », pour compenser la brutalité exercée sur les nationalistes et dans le but de finaliser la stratégie unitaire, l’on donne l’impression de faire de la démocratie. Petit à petit, l’on s’achemine vers des systèmes autoritaires à parti unique. Ceci est très visible dans les ex colonies françaises d’Afrique. Au Cameroun, en 1966, un coup d’arrêt brutal est assené au pluralisme ambiant pour laisser la place au tout puissant UNC, père du RDPC. Signalons que le changement à la tête de l’Etat en novembre 82, s’est effectué de manière fort rocambolesque. Alors que rien ne le laisse présager, Amadou Ahidjo, de retour d’un séjour français, annonce son départ et présente aux Camerounais son successeur constitutionnel. Paul BIYA essuiera une tentative de coup d’Etat qui fut plus une action d’affection politique qu’un acte patriotique destiné à libérer un peuple sous l’emprise du néo colonialisme. Il n’est pas superflu de dire ici que la bataille est/ouest fut un véritable bouclier pour les chefs d’Etat futés de l’époque et un danger pour ceux qui l’étaient moins.
En effets, les premiers surfaient en terme de géopolitique entre l’Est et l’Ouest et le 2ème camp, ceux qui prenaient une option politique définitive n’étaient pas à l’abri d’un coup d’Etat, ourdi par l’une des puissances qui se sentait lésée. Quant à la deuxième ère de notre démocratie voici ce qu’en pense Albert BOURGI, un analyste contemporain : « on a longuement disserté sur les facteurs internes et externes ayant contribué à déclencher et à amplifier la contestation qui a ébranlé, voire dans certains cas, sapé les fondements de régimes à parti unique enfermés jusque là dans la certitude d’agir pour le bien être des populations. Tout a été dit sur les bouleversements de l’environnement international provoqués par l’implosion de l’U.R.S.S. et l’effondrement du communisme en Europe Centrale et Orientale.
Le vent d’Est conjugué aux effets dévastateurs de la crise économique et de la thérapeutique de choc imposée par les institutions financières internationales a incontestablement fragilisé des pouvoirs africains dont les assises reposaient sur une redistribution sociale facilitée par la rente. Ayant perdu les moyens qui leur permettaient de financer « les opérations de pacification sociale et les actes d’allégeance », bon nombre de dirigeants se résignèrent (par nécessité) au pluralisme politique et se soumirent à certaines de ses contraintes (multipartisme, organisation d’élection, consécration des libertés d’expression). Ce n’est sans doute pas le lieu de procéder à l’évaluation des processus de démocratisation en Afrique, ou encore d’évoquer la surdétermination des causes externes des bouleversements politiques qui se sont produits au cours des dernières années... ». Une chose est certaine, les opposants camerounais sont allés en France 1990, rencontrés François Mitterrand afin qu’il fasse pression sur le chef d’Etat Camerounais.
Ils ont obtenus la « tripartite » en guise de consensus politique, matérialisé par une Constitution, avec comme dispositif central, l’article 6.2, garant d’une alternance à la tête de l’Etat au plus tous les 14 ans avec 2 mandats de 7 ans. Qu’observerons – nous après cela ? Que l’opposition constituée au cours des années 90 va se déliter pour devenir une opposition des élections ; avec des opposants prêts à tous genres de compromis, voire de compromission. Il apparaît clairement qu’il n’y a pas eu de véritable résistance entre 1966 et 1990. Il n’y a pas eu une véritable opposition structurée autour d’une idéologie. Certains prétendent que l’opposition camerounaise a échoué. J’affirme qu’une telle analyse est frappée d’une grave cécité. Y a – t-il seulement jamais eu une véritable opposition ?
N’était–ce pas simplement des fantasmes d’agitateurs, bénéficiant d’une situation conjoncturelle et structurelle qui interpellait une certaine « conscience mondiale », obligée de reformater ses intérêts égoïstes, tout en surfant sur le logiciel sensible de l’humanisme et de la démocratisation ? Comment comprendre que tous ceux qui avaient emmenés le peuple dans la rue dans les années 90 se retrouvent plus ou moins dans la soupe, tandis que ceux qu’ils prétendaient défendre croupissent dans une misère sans précédent. Quelques tracts, jetés ici et là peuvent ils à eux seuls justifiés une lutte structurée autour d’un idéal de société ? Des gens qui n’ont même pas pu défendre le fruit de leur propre consensus de 1996.
L’amnésie, la couardise, la cupidité sont allées tellement loin que lorsque Paul BIYA décide de modifier l’article 6.2 de la constitution de 1996, certains se sont même ralliés à ce rapt sur l’Institution suprême soit, en la monnayant, ou encore en s’en servant comme monnaie de change contre un positionnement au sein de l’appareil gouvernant. Une telle posture ne peut que confirmer à posteriori une vacuité de nationalisme et une stratégie bien pensée fondée sur la roublardise que l’on assimile volontiers à la tolérance politique.
Les dégâts causés par ces citoyens politiquement véreux et vicieux, qui ont longtemps pris en otage l’opinion sont tout simplement désastreux. Au niveau du Chef de l’Etat, celui-ci a compris qu’il a en face de lui une opposition de pacotille qui se soucie plus de manducation que de bataille idéologique. Il suffit donc de leur donner un peu d’argent pour qu’ils se taisent.
Au niveau des intellectuels, l’on assiste à un déficit de réflexion qui traduit le désarroi épistémologique. La rupture est tellement profonde qu’une société des agrégés du Cameroun, toute réflexion cessante a rédigé une motion de soutien au contenu que nous vous laissons le soin d’apprécier :
« Nous, membres de la société camerounaise des agrégés,
Considérant la grande sollicitude du président de la République, Son Excellence Paul Biya pour l'université camerounaise et l'enseignement supérieur dont il a fait une priorité nationale, et qui se traduit par d'importants investissements en faveur de nos universités, ou la création d'un compte d'affectation spéciale pour donner une impulsion nouvelle à la recherche scientifique et technique.
Considérant sa préoccupation constante de voir l'université être un levier déterminant de formation de ressources humaines de qualité, et un haut lieu de réflexions et d'inventivité pour la quête de solutions et de réponses aux défis qui interpellent le Cameroun pour son entrée dans la société des savoirs et son ancrage dans la modernité.
Considérant les succès de sa diplomatie universitaire dont une manifestation éclatante vient d'être donnée récemment par le choix porté sur le Cameroun par la deuxième conférence de l'UNESCO sur l'enseignement supérieur, afin d'y créer l'Institut panafricain pour la gouvernance universitaire dont les activités démarrent en septembre 2009.
Considérant sa ferme volonté d'associer pleinement la communauté universitaire nationale à la réalisation de sa politique des Grandes Ambitions, et dont le maintien du professeur Maurice KAMTO et la promotion récente de nos collègues, les professeurs agrégés Séraphin Magloire Fonda et Luc SINDJOUN respectivement aux postes de ministre secrétaire général adjoint de la présidence de la République et de conseiller spécial du président de la République, constituent la manifestation concrète la plus récente.
Lui exprimons notre profonde et déférente gratitude pour la haute confiance faite à la communauté universitaire en général, et aux membres de la société camerounaise des agrégés en particulier.
Lui réaffirmons notre engagement et notre détermination à faire de l'université camerounaise un haut lieu de production du savoir et de la technologie au service du développement du Cameroun.
Prions Dieu Tout-Puissant de lui accorder santé et sagesse pour poursuivre inlassablement l'œuvre magnifique de construction d'un Cameroun moderne et prospère ».
Signataires: Pr. Bruno BEKOLO EBE ; Pr. Paul Gérard POUGOUE ; Pr. EIMO MALONGA ; Pr. Lucienne HIAG ; Pr. Adolphe MINKOA SHE ; Pr. Anaclet FOMETE ; Pr. NDJITOYAP NDAM ; Pr. TOUNA MAMA; Pr. BWELE Guillaume ; Pr. Roger TSAFACK NANFOSSO.
Voilà la contribution de nos maîtres de la pensée, à l’heure où le Cameroun se trouve dans une phase charnière de son histoire, tant sur le plan culturel, politique, que socio économique. Des préoccupations alimentaires et de positionnement.
L’on comprend pourquoi l’université camerounaise ne figure pas parmi les cent premières universités africaines.
Autre conséquence, la naissance d’une certaine société civile qui a perdu le nord au point qu’oubliant ses missions cardinales, s’est lancée à corps perdu à la conquête du pouvoir, faisant fi des lois de la République qui ne l’y donnent pas accès. La jeunesse, sans défense, complètement désemparée, subit le chantage abject d’un système paupérisateur, ayant depuis longtemps disqualifié le mérite et l’excellence, au profit de la cooptation sur fond de tribalisme et de prostitution, sur le lit douillet dressé par la corruption.
Dans un contexte de monarchisation du pouvoir, notre opposition reste dans l’expectative. A quelques encablures de l’élection présidentielle de 2011, des gens non concernés par l’article 66 de la constitution parlent de déclaration des biens. Si ce n’est de la distraction, ce serait quoi ? Quelle stratégie pour sauver la démocratie en 2011. Nous restons convaincus que la solution réside dans la capacité des forces socio politiques à présenter aux camerounais un homme, réunissant toutes les facettes du combat. Combat à la fois intellectuel, politique, géopolitique, géostratégique, religieux, bourgeois, générationnel, civilisationnel, et culturel. Voilà le vrai débat.
Joseph Marie ELOUNDOU, Journaliste, Président du Comité National de Lutte contre l’Inertie, Ici Cemac
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