L'avenir de l'Union européenne entre les mains de l'Irlande
C'était le 13 juin 2008 : 53,4 % des Irlandais disaient "non" au traité européen de Lisbonne et plongeaient l'Europe dans une énième crise institutionnelle. Ce texte doit être adopté par l'ensemble des 27 États membres de l'Union européenne pour entrer en vigueur. Un an et demi plus tard, les trois millions d'électeurs irlandais sont rappelés aux urnes pour se prononcer sur le même texte et relancer la réforme institutionnelle de l'UE. Lisbonne aura-t-il le même destin que Nice ? Déjà en 2001, les Irlandais - constitutionnellement contraints d'adopter les textes européens par référendum - avaient rejeté une première fois ce traité, avant de le valider l'année suivante. Cette fois-ci encore, l'opinion publique aurait basculé dans le camp du "oui", à la faveur... de la crise. Surfant sur des performances économiques inégalées dans le reste de l'Europe au moment de la première consultation, l'Irlande a depuis plongé dans une récession sans précédent. Le PIB s'est effondré d'environ 8,5 %, le taux de chômage a pratiquement triplé, atteignant 12,4 %, la production industrielle s'est contractée de 11 %... "Dans ce contexte, l'Irlande est contente d'être membre à part entière de l'Union européenne sinon elle aurait connu certainement un destin identique à l'Islande", île non membre de l'UE, qui se retrouve aujourd'hui au bord de l'abysse, explique Marie-Claire Considère-Charon, professeure émérite à l'université de Franche-Comté.
Colère et peur C'est donc un mariage de raison que les Irlandais s'apprêteraient à célébrer avec l'Europe. Et à plus d'un titre. Pour forcer la main au Tigre celtique, les partenaires européens ont assoupli le cadre du traité de Lisbonne pour convaincre les Irlandais. Leur neutralité militaire, leur autonomie fiscale et l'interdiction de l'avortement en vigueur chez eux ne pourront plus être remises en cause par Bruxelles. L'Irlande a par ailleurs obtenu le maintien du principe actuel d'un commissaire à Bruxelles par pays membre, en cas de ratification. Résultat, si l'Irlande ratifie finalement le traité, les 27 renonceront donc à une réforme qui devait mettre fin au principe d'"un commissaire par pays" de l'UE, qui aurait dû entrer en vigueur en 2014. "Les partisans du non disent que ce ne sont que des promesses. Et ceux qui sont pour le oui disent, à juste titre, que ce sont des garanties qui seront inscrites au prochain traité d'adhésion", souligne Marie-Claire Considère-Charon avant de constater que "cette campagne véhicule des contre-vérités et joue sur les craintes des Irlandais. Ils sont partagés entre la colère contre leur gouvernement qui, selon eux, a été incapable de gérer la crise, et la peur d'être marginalisée par l'UE." D'après les derniers sondages, le oui devrait l'emporter sur le non. Ou plutôt la "peur" sur la colère et le vote protestataire.
Par Cyriel Martin (avec Beatrice Parrino), Le point
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