La liberté, rien que la liberté

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samedi 26 décembre 2009

Cameroun : La terreur des prisons incontrôlées


Mort en prison : Comment le régime dictatorial de Paul BIYA a broyé Dieudonné ANGOULA


Quartier Essos, à quelques encablures du mythique site dénommé « Titi garage » et très exactement en face du lycée bilingue. Ici se trouve le domicile familial de Dieudonné Angoula, ex-directeur des télécommunications, détenu dans la prison de Kondengui depuis 1999, dans le cadre du «Mounchipougate», en rapport avec Mounchipou Seidou, ex-ministre des Postes et télécommunications, accusé de mauvaise gestion, pillage et spécialiste de l’octroi des marchés fictifs. En souvenir, la fameuse grosse affaire avait fait grand bruit, au point de provoquer l’incarcération du ministre et plusieurs de ses coaccusés au rang desquels l’ex-directeur des télécommunications. Inculpé puis condamné à 20 ans de prison, pour complicité de détournement des marchés d’acquisition des télécopieurs et photocopieurs, Dieudonné Angoula verra sa peine être diminuée de cinq années. Interné à l’hôpital central de Yaoundé, dans la nuit de samedi 12 décembre 2009, celui qu’on appelait affectueusement « le beau père » du président de la République Paul Biya est décédé mercredi dernier, terrassé par une forme de méningite virulente et aiguë. Le défunt avait l’âge de 65 ans dont dix de passés en prison. En attendant le programme des obsèques, la dépouille se trouve à la morgue de l’hôpital gynéco- obstétrique et pédiatrique de Ngousso. Alors que la famille porte le deuil à travers des veillées qui sont organisées tous les soirs au domicile du défunt, les langues se délient.
« On a tout perdu dans notre famille où il n’y a pas de tête ni de queue ; la seule personne sur qui étaient focalisés tous les espoirs a été rappelée par le Seigneur. La justice des hommes n’a pas voulu le libérer, mais Dieu l’a fait. C’est la sentence suprême ». Le visage buriné par la tristesse, le regard absent, Dr Aboutou Rosalie, sœur cadette de Dieudonné Angoula qui s’exprime ainsi est inconsolable. Approchée par la presse, elle se braque et préfère passer à autre chose. « I l y a dix ans, lorsqu’il a été arrêté, la presse qui en a fait ses choux gras, a remué l’information dans tous ses sens, parfois en sa défaveur. Maintenant que Dieudonné est décédé, nous avons tenu une réunion et décidé de ne pas nous répandre aux médias. Le silence est notre refuge, de peur de voir notre pensée être trahie ou sujette à plusieurs interprétations par rapport à « ce qu’on sait ». Prions pour que son âme repose en paix » déclare Dr Aboutou Rosalie. Ce mutisme est la chose la mieux partagée, même par les enfants de l’illustre disparu. Guy Angoula, le fils aîné du défunt est préoccupé par la fin si brutale de son père. « Durant toute sa vie, il n’a jamais été hospitalisé. Il avait une santé de fer, grâce à ses restes de sportif de haut niveau ayant pratiqué le volley-ball dont il était l’un des dirigeants de la fédé » avoue-t-il.

Poussé à une mort lente et pernicieuse
Si les langues de la famille rapprochée du défunt ne se délient pas, les amis et anciens collègues pointent un doigt accusateur sur le Régisseur de prison de Kondengui, qui selon eux, aurait mis les nerfs de Dieudonné Angoula à rude épreuve jusqu’à ce que mort s’en suive. « Il a subi toutes sortes de violences et de tortures psychologiques. Tout s’est passé comme s’il y avait des recommandations particulières par rapport au traitement qu’on devait lui réserver. Tantôt on a parlé de ses intentions de s’évader, lorsqu’on ne lui collait pas un comportement emprunt d’arrogance et d’audace du fait de sa proximité avec le couple présidentiel » explique un ami de la famille. Et d’ajouter que il y a quelques mois, une incompatibilité d’humeur avec le Régisseur de prison a été à l’origine d’une mesure disciplinaire contre le détenu ; aussi a-t-il été provisoirement transféré du quartier spécial « prisonniers de luxe » vers le quartier populaire (Kossovo), pour une période de deux mois. «De retour au quartier spécial Vip, Dieudonné Angoula était à bout de force, diminué par les conséquences d’une haine des responsables de la maison d’arrêt dont il n’arrivait pas à expliquer les mobiles et les motivations. Pire encore, on lui a donné une place dans un lit comportant six. Ses nuits sont devenues infernales car à son âge (65 ans), il devait changer d’étage au quotidien » ajoute un ancien collègue. A le croire, la hantise de le voir s’évader qui habitait ses geôliers et son « inconvénient » d'être le beau père de Paul Biya, l’ont plutôt défavorisé au lieu de l’aider ; d’autant plus que le retour de l’information qui parvenait au couple présidentiel était souvent en rupture avec la vérité.
Parmi les autres circonstances ayant «précipité» le décès l’ex-directeur des télécommunications, il y a aussi les nombreuses batailles et interrogatoires qu’il avait à subir, lorsqu’il devait sortir de la maison de détention pour se rendre à l’hôpital. « Après avoir passé dix de ses quinze années de prison, il n’a pas eu droit à certaines mesures de souplesse, ni même à la corvée dont jouissaient les autres détenus du même registre que lui. On aurait dit que l’étau se resserrait chaque jour autour de lui ; comme s’il pouvait encore passer à la tête d’un homme de 65 ans de s’évader » s’indigne un membre éloigné de la famille. Pour dénonce la politique du « deux poids, deux mesures » entre le raffermissement des mesures de surveillance à l’encontre de Dieudonné Angoula, à la différence de l’allègement de celles-ci à l’égard du ministre Mounchipou Seidou, principal mis en cause dans l’affaire, mais qui a eu droit à la liberté d’aller célébrer son mariage dans son Noun natal.
Par souley.onoholio, Le Messager

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