J’ai appris avec beaucoup de douleur la série des événements suivants, qui frappent actuellement au Cameroun le métier du journalisme en général, et Germinal en particulier :
- L’enlèvement de Jean Bosco Talla le 10 décembre 2009 à une heure imprécise- L’absence présumée lors de son kidnapping de la lecture à ce journaliste de ses droits, dont notamment celui de garder le silence en l’absence de son avocat, et celui d’obtenir un tel avocat de son choix,
- L’incarcération sans accusation précise de ce directeur de publication de Germinal Hebdo dans une cellule secrète du Secrétariat d’Etat à la Défense (SED) et/ou dans tout autre lieu,
- La présentation de ce co-auteur du rapport de CCFD-Terre Solidaire intitulé « Biens mal acquis. A qui profite le crime ? », publié en juin 2009 et dénonçant des biens mal acquis par Paul Biya, devant un juge,
Le Cameroun présente au contraire « les éléments d’un cocktail explosif », à cause du caractère fondamentalement antidémocratique et dictatorial du régime de Paul Biya qui le gouverne. L’un des signes les plus flagrants d’un tel caractère antidémocratique est la répression des libertés individuelles reconnues comme des droits inaliénables de l’Homme par la Communauté Internationale, à travers particulièrement la persécution intimidatrice, violente et judiciaire, et le musellement de la liberté d’expression.
Les pourvoyeurs d’assistance étrangère, les observateurs internationaux et les organisations de défense de la démocratie et des droits de l’Homme ont depuis des décennies demandé à Paul Biya de conformer les lois de sa république aux normes internationales, en éliminant les sanctions pénales. Le chef d’Etat du Cameroun s’y est toujours opposé, donnant ainsi la preuve de ce que toute dictature considère toujours les libertés individuelles en général, et la liberté d’expression en particulier, comme la plus grande menace de son maintien au pouvoir.
Devant une telle situation où toutes les tentatives ont échoué pour transformer de système Ahidjo-Biya en un régime démocratique, et compte tenu du fait que la persécution, les intimidations, les menaces de mort et les attentats dont ce système m’a personnellement rendu victime en 1994 et 1995 sont les éléments d’un rouleau compresseur identique à celui lancé contre Jean Bosco Talla, Duke Atangana Etotogo et l’équipe rédactionnelle de Germinal aujourd'hui, je soutiens sans réserve les patriotes camerounais de Germinal, qui montrent chaque jour leur fidélité au métier de journalisme, qui n’est rien d’autre que celui des « watchdogs », celui des chiens de garde dressés contre les maux de la société.
Je félicite ces véritables journalistes camerounais, aujourd’hui persécutés par une dictature honteuse. Je leur demande de maintenir jusqu’au bout - qu’est la Victoire de la Démocratie sur la dictature néocoloniale - leur courage et leur détermination sans faille à servir le public camerounais avec les révélations, les analyses, les questions et les leçons dont les citoyens sont assoiffés.
C’est le lieu ici de condamner ici les pires ennemis du journalisme ; ceux là qui se sont spécialisés dans l’art des coups de poignards dans le dos. Confondant compétition et participation aux crimes contre les journalistes, ces complices du régime néocolonial se vantant à travers le monde comme des défenseurs de la presse indépendante, ont encore une fois sorti leurs griffes assassines, cette fois-ci contre Jean Bosco Talla et Germinal.
C’est ainsi qu’un « confrère » de Germinal ne s’est pas gêné ces derniers jours de qualifier l’article de Germinal, soupçonné d’être la cause de l’enlèvement, de « (très dangereuses) allusions sur l’éventualité du caractère homosexuel de l’actuel chef de l’Etat». Collant à Jean Bosco Talla l’étiquette d’un « journaliste connu pour son activisme débordant », dont l’objet consiste notamment à « accabler à tort ou à raison, Paul Biya et son entourage » par des « dossiers », dont « celui qui fait polémique aujourd’hui », ce « confrère » s’est constitué sans réserve comme le premier avocat défenseur du plaignant, qui est Paul Biya, dans une affaire contre Jeans Bosco Talla, Duke Atangana Etotogo et Germinal dont la plainte n’est même pas encore connue.
Je fus victime de tels coups de poignard dans le dos de la part du même « confrère » en 1994, lors d’une incarcération dans un lieu secret. Le « confrère » me présenta alors aux lecteurs comme un journaliste faisant preuve d’une « hargne indicible » contre Paul Biya, comme un Beti pris dans une supposée guerre des clans Beti. Parce que, soutenait le « confrère », j’aurais d’abord travaillé pour « le clan de Kribi » avant de changer de camp et travailler pour « le clan de Nsimeyong ». Une telle création de rumeur rendait le service inestimable que la dictature souhaitait : celui de voir un journal de l’opposition accabler sa proie devant le public, afin que ce public donne raison au régime persécuteur et abandonne cette victime dans son malheur.
Il n’y a pas plus grand crime que celui d’un journaliste qui accable, accuse et juge coupable un autre journaliste au moment ou ce dernier est entrain d’être persécuté par un régime dictatorial.
L’Histoire ne manquera pas de juger le régime néocolonial de Paul Biya, mais également ses complices aujourd'hui tapis comme des « opposants » dans la presse, l’opposition et la société civile ; alors qu’au contraire de tels complices de la dictature n’hésitent pas à rendre des services inestimables au pouvoir. Les réponses tribalistes données à la stratégie du tribalisme, connue comme le moyen par excellence de conservation du pouvoir autant par l’administration coloniale que par son successeur néocolonial sous Ahidjo et sous Biya, seront un jour examinées par le Peuple camerounais afin de déterminer les responsabilités de chacun dans la prolongation de la dictature sanglante de Paul Biya au pouvoir depuis 1992.
Le cas de la persécution de Jean Bosco Talla et de Germinal sera à coup sûr une preuve de ce que même les liens du sang tribal n’arrêtent plus ceux qui, le jour chantent la défense des libertés, notamment celle des journalistes camerounais, mais la nuit aident la dictature de Paul Biya à persécuter ces mêmes journalistes.
Ndzana Seme
The African Independent Inc.
Paul biya est un grand dictateur. il n'aime pas la contradiction et il déteste les journalistes. En voici la preuve. Le peuple doit le sanctioner aux urnes.
RépondreSupprimerVous accusez le Président Paul Biya de brimer les libertés d’expression et d’avoir orchestré l’enlèvement de Jean Bosco Talla, mais comprenez-vous vraiment ce terme ? Lorsqu’on parle d’enlèvement dans une dictature, il s’agit généralement d’une disparition définitive et la personne ne passe pas devant le juge, comme cela a été le cas ici. Rien à voir avec ce qui se passait au Chili à l’époque de Pinochet où des personnes ont été enlevées et dont les familles n’ont pas de nouvelles jusqu'à présent.
RépondreSupprimerVous ironisez également sur le fait que Paul Biya vend le Cameroun comme étant un « îlot de paix », « un véritable havre de stabilité et de paix, un cas rarissime dans le continent africain ». Est-ce mentir de dire que le Cameroun est l’un des seuls pays africains à ne pas avoir connu de guerre civile ou de conflits avec son voisin ? Comment qualifierez-vous alors les autres pays en guerre ?
Concernant la liberté de la presse, nous sommes tous d’accord que c’est fondamental, mais il faut également reconnaître que cette liberté doit s’accompagner de responsabilités de la part des journalistes, ce qui veut dire, avoir beaucoup de rigueur, par exemple en prenant la peine de toujours vérifier la véracité des faits annoncés ou toujours être sûr de ses sources pour éviter les nombreuses dérives, comme c’est le cas actuellement au Cameroun. Il en va de la crédibilité et de la réputation du métier de journaliste.
Vous parlez de coups de poignards reçus dans le dos de la part d’un confrère. N’est-ce pas là, la preuve que, même au sein de la presse, il y a division concernant le comportement de certains journalistes qui courent après la célébrité, le gain et n’hésitent pas à bafouer les règles et les principes du journalisme professionnel en ayant recours au sensationnalisme. Il faut dire que près de 700 titres sont aujourd’hui enregistrés au Ministère de la Communication. Ce flux est tout aussi remarquable dans la presse audiovisuelle. Ce n’est donc pas étonnant de constater de nombreux dérapages dans cette floraison de médias, surtout quand il s’agit de parler du pouvoir en place. À l’heure où n’importe quel individu peut prétendre être journaliste, le manque de professionnalisme est flagrant et cela crée évidement beaucoup de confusion.