Livre « Février 2008 : le tournant du règne de Paul Biya »
Enoh Meyomesse, homme politique et écrivain camerounais, vient de publier un essai politique sur les événements du mois de février 2008 qui ont ébranlé le régime despotique de Paul Biya. L’ouvrage, dont le titre est « Février 2008 : le tournant du règne de Paul Biya », n’est pas un récit de ces chaudes journées. Il décrit plutôt :
1/-la grande panique qui s’est emparée de Paul Biya, car, pour la première fois, non seulement Yaoundé était en feu, mais en plus, il a vu, de ses yeux, les flammes en train de consumer l’asphalte au rond-point Etoudi ; de la terrasse de son palais, il aperçoit, en effet, cet endroit ;
2/- sa redescente sur terre, pendant les quelques jours qu’auront durés cette insurrection, lui qui était si serein, après l’obtention, par la fraude, de sa « majorité confortable » à l’assemblée, et dont il s’est servi pour modifier la constitution afin de s’éterniser au pouvoir ;
3/- le lâchage de la communauté beti sur qui il avait bâti son pouvoir et son règne, car les jeunes qui brûlaient et cassaient tout à Yaoundé étaient avant tout des jeunes désoeuvrés Betis qui clamaient, à tue-tête, que « l’okok de Paul Biya est déjà trop amer » ;
4/- l’interruption momentanée, comme conséquence de ce qui précède, de sa gestion désinvolte du Cameroun.Fait de la plus haute importance, l’auteur a établi, dans l’ouvrage, un parallèle entre la gestion de cette crise par Paul Biya, véritable despote des tropiques, et la gestion de la crise des Antilles françaises, une année plus tard, par Nicolas Sarkozy ; chez Paul Biya, 150 morts, en 8 jours, chez Sarkozy, 1 mort en 30 jours. Chez Paul Biya, les insurgés ont eu droit à des injures, en direct à la télévision, de sa part, « apprentis sorciers », tandis que chez Nicolas Sarkozy, ceux-ci ont, à travers les élus des Antilles françaises, été reçus à la présidence de la République. Pour tout dir, Nicolas Sarkozy a pris en considération leur revendications, tandis qu’au Cameroun, Paul Biya, comm à son habitude, a traité tout le monde de haut.
Enfin, l’auteur rend compte de la manière dont Paul Barthélemy Biya’a bi Mvondo, en parfait despote, s’est acharné sur l’opposition camerounaise et les pères de familles, en rendant les uns et les autres responsables des tirs de son fameux BIR (Bataillon d’Intervention Rapide, véritable armée personnelle commandée par un colonel israélien à la retraite, et semblable à celle d’Adolf Hitler les S.A. Section d’Assaut, de sinistre réputation.) sur la population, autrement dit, en légitimant les massacres auxquels ces voyous payés par les finances publiques s’étaient livrés.
Extraits de l’ouvrage :
« Monsieur la sérénité » : telle était l’appellation du président de la République auprès de nombre de propagandistes et bénéficiaires directs de son régime, depuis la fin des « villes mortes » en 1992, et surtout au lendemain de l’élection présidentielle de 1997, où il s’était retrouvé sans véritable challenger, tous ceux qui auraient pu inquiéter son pouvoir ayant jeté l’éponge. Il avait alors lancé son fameux concept de « démocratie apaisée », étant donné qu’il n’entrevoyait plus aucun nuage politique à l’horizon.
Les barons de son régime n’hésitaient pas, à son endroit, à emprunter carrément le slogan qui avait réussi à François Mitterrand, président français : « la force tranquille ». En plus de sa sérénité affichée, le président de la République était devenu, plus que jamais, au lendemain de ce scrutin, un personnage quasi-indifférent à tout ce qui se produisait autour de lui. (…) Cette indifférence devant les problèmes nationaux avait atteint un point tel que l’on se souvient d’une année où la finale de la Coupe de football du Cameroun avait dû se jouer, en catastrophe, en milieu de semaine, plus précisément un mercredi, les résultats de celle-ci étant attendus au siège de la Confédération Africaine de Football, la C.A.F., le lendemain matin, « Son Excellence » n’ayant jamais été disponible auparavant.
De même, une autre année, à la veille de la présentation des vœux du corps diplomatique, le service du protocole avait dû lui rappeler que cette cérémonie ne pouvait avoir lieu, pour la simple raison qu’il existait un grand nombre d’ambassadeurs affecttés au Cameroun et qui s’y trouvaient depuis des mois, sans avoir pu lui présenter leurs lettres de créances. Cette formalité s’était alors déroulée, à la va-vite, tout juste avant la St Sylvestre, les ambassadeurs défilant, à la queue leu-leu, au palais d’Etoudi. C’est alors que la cérémonie de présentation des vœux du corps diplomatique au chef de l’Etat avait, enfin, pu être organisée. (…) Le président de la République n’a pas ainsi retrouvé sa sérénité pendant plusieurs jours, tellement le retour sur terre, pour lui, avait été aussi inattendu que brutal.
Les images des flammes aux portes de son palais étaient plus que traumatisantes. Il se voyait déjà, sans doute, en train de gagner, les jambes à son coup, l’exil, comme tant d’autres chefs d’Etats africains, avant lui, ont été contraints de le faire…(…) A la suite des émeutes de février 2008 et du discours du président de la République à leur paroxysme, les Camerounais ont ainsi redécouvert une ancienne loi, quoique non écrite, c’est-à-dire une sorte de « coutume » politico-juridique, qui date des années de l’indépendance où le gouvernement « rétablissait l’ordre ».
Celle-ci, par analogie à l’ordonnance 62-18-OF d’Ahmadou Ahidjo de mars 1962 portant répression de la subversion, c’est-à-dire de l’opposition, pourrait se résumer ainsi:
Article 1 : « Quiconque, au Cameroun, qui se hasardera a organiser une manifestation non autorisée par un sous-préfet, autrement dit, qui n’est pas destinée à glorifier le régime, pourra être abattu sur-le-champ, si le policier, le gendarme ou le militaire requis pour maintenir l’ordre le juge nécessaire… »
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