La liberté, rien que la liberté

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mercredi 20 janvier 2010

Cameroun : Deuxième anniversaire des massacres de février 2008


Le CODE lance une Campagne Internationale pour l’inculpation de Paul Biya


Quelle différence entre les massacres commis à Conakry et ceux commis par Paul Biya au Cameroun ?

Conakry-Guinée : 28 septembre 2009
Le 28 septembre 2009, dans l’enceinte du stade Conakry, une coalition de l’opposition guinéenne organise une manifestation pour exiger la tenue des élections présidentielles, et pour s’opposer à la candidature du chef de la junte, le Capitaine Dadis Camara. Malgré la campagne d’intimidation orchestrée par les militaires, les Guinéens sortent massivement pour défier la junte. Massés dans l’enceinte close du stade de Conakry, le piège se referme sur les manifestants. Plusieurs corps d’élites de l’armée se livrent à un massacre, aux viols à ciel ouvert et à des milliers d’arrestations.. On compte plus de 150 morts et 1200 blessés.Le même jour, la colère de la communauté internationale se déchaîne sur la junte militaire.

Human Rights Watch
Dans un rapport extrêmement fouillé publié le 17 décembre 2009, l’organisation américaine des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) révèle que "les crimes perpétrés le 28 septembre [par les forces de sécurité guinéennes, lors d'un rassemblement de l'opposition dans un stade de la capitale, Conakry] étaient prémédités et planifiés » et met en cause Dadis Camara en personne, et Aboubakar 'Toumba' Diakité ainsi que les bérets rouges de la garde présidentielle". Pour rédiger son rapport, HRW a envoyé pas moins de quatre de ses illustres membres à Conakry. Du 12 au 29 octobre, ils ont réalisé 240 entretiens avec des personnes présentes dans le stade au moment du massacre. Leurs conclusions sont sans appel ; les viols et les meurtres commis le 28 septembre "peuvent être considérés comme des crimes contre l'humanité". Ensuite, Human Right Watch appelle à une commission d’enquête internationale, et à l’inculpation des membres de junte. Son appel n’a eu aucune peine à être entendu.

Les Nations Unies
Le 16 octobre 2009, le Secrétaire Général des Nations Unies, Monsieur Ban Ki-Moon, initie la création d’une commission d’enquête sur les massacres, et soumet sa décision au Conseil de Sécurité, qui l’approuve immédiatement. Dans une déclaration, le Conseil a également approuvé les prises de position des instances africaines en faveur de l'établissement de nouvelles autorités de transition en Guinée et de l'interdiction faite aux membres de la junte militaire actuellement au pouvoir de se présenter aux élections prévues en janvier. La déclaration, rédigée par la France, a été lue en séance par l'ambassadeur du Vietnam, Le Luong Minh, au nom du Conseil qu'il présidait au mois d’octobre 2009.
Le Conseil y "salue la déclaration du sommet de la Cedeao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) appuyant la décision du secrétaire général (de l'ONU, Ban Ki-moon) de créer une commission d'enquête internationale" sur la répression de la manifestation du 28 septembre. Le Conseil "prend note du fait que les autorités guinéennes se sont engagées officiellement à soutenir le travail de cette commission, dans des conditions assurant sa sécurité".
Avec ce feu vert, Ban Ki-Moon envoie à Conakry son Secrétaire Général Adjoint aux Affaires Politiques, Monsieur Haïlé Menkerios, en mission de pré-enquête. Apres une longue discussion avec Dadis Camara, Monsieur Menkerios a affirmé, a la sortie de l’entretien, que "L'impunité n'est plus acceptable en Guinée". Puis, le Secrétaire Général met sur pied la commission d’enquête, constituée du juriste algérien Mohamed Bédjaoui, la Burundaise Françoise Kayiramirwa et la Mauricienne Pramila Patten. La Commission débarque à Conakry le 25 novembre 2009. Jusqu’au 4 décembre, ses membres sillonnent Conakry dans tous les sens, et interrogent 564 témoins. Au terme de leur mission, les membres de la commission remettent au Secrétaire Général, le 17 décembre 2009, un rapport accablant qui appelle à l’inculpation des hauts responsables de la junte militaire. Monsieur Ban Ki-Moon, après la tenue d’une session spéciale du Conseil de Sécurité pour discuter du rapport, le transmet au Procureur de la Cour Pénale Internationale, Monsieur Luis Moreno Ocampo

La Cour Pénale Internationale
Au mois de décembre 2009, le Procureur Général auprès de la Cour Pénale Internationale, Monsieur Luis Moreno Ocampo, a annoncée que les massacres commis par la junte militaire guinéenne étaient sous investigation, pour « voir » si cela entre dans le cadre du crime contre l’humanité tel que décrit par les instruments du droit international. Son adjointe, Fatou Bensouda, a avoué dans une déclaration que « les crimes commis à Conakry sont atroces, inacceptables, inexcusables, et tous les responsables doivent être inculpés »

L’Union Européenne
Le Commissaire au Développement de l’Union Européenne, Monsieur Karel de Gucht, a affirmé, sans coup férir, que « le bain de sang de Conakry n’a pas de précédent et d’équivalent dans l’histoire » et que « Dadis Camara doit tôt ou tard payer pour ses crimes ». En même temps, l’Union Européenne suspendait toutes ses aides à la Guinée et interdisait sur le sol européen les membres de la junte

Les Etats Unis
La Secrétaire d’Etat Américaine, Hilary Clinton, n’a pas caché son indignation, et n’a pas hésité à demander aux membres de la junte de quitter le pouvoir, et de faciliter l’organisation d’élections libres et transparentes, auxquelles ils doivent se garder d’y prendre part

L’Union Africaine
Dans une déclaration publiée peu après les massacres, l’Union Africaine donnait à Dadis Camara jusqu’au 17 octobre 2009 pour clarifier ses intentions de quitter le pouvoir, au risque de subir des sanctions graves.

La France
Grand architecte de la mobilisation internationale contre la junte militaire en Guinée, la France était sur tous les fronts, et c’est le moins qu’on puisse dire. C’est ce pays qui a rédigé la déclaration du Conseil de Sécurité sur les massacres de Conakry. C’est la France qui a actionné les leviers de sanctions européennes. La France a pesé de tout son poids pour obtenir la chute de Dadis Camara. Dans une déclaration faites au lendemain des massacres, Bernard Kouchner affirmait que « la France condamne la férocité et la violence militaire qui a occasionné les massacres de Conakry au cours d’une manifestation pacifique » et a appelé la junte à « faire preuve de sens de responsabilité et de retenue, et à écouter les aspirations légitimes et démocratiques du peuple guinéen et son désir de choisir librement ses dirigeants »

La chute de Dadis Camara
Après la tentative d’assassinat contre le chef de la junte, il est évacué au Maroc, qui s’est montré étrangement magnanime. A son absence, des manœuvres sont orchestrées pour empêcher son retour au pouvoir. Dès sa sortie de l’hôpital, il est sommé de quitter le territoire marocain, et le Burkina Faso lui présente l’offre d’un « asile temporaire », et sert de champ de négociations pour le retour du pouvoir au civil. Pendant trois jours, d’intenses négociations ont lieu sous la tutelle de Blaise Compaore, devenu pour la circonstance le maître à jouer. Malgré les tentatives des supporters de Dadis Camara d’obtenir son retour à Conakry, la communauté internationale estime qu’il est un danger pour la stabilité de la Guinée. C’est dans ce contexte qu’un protocole est signé entre Blaise Compaore (qui agit au nom de la communauté internationale), le No 2 de la junte Konate, et Dadis Camara. Le protocole indique :
- Que des élections multipartites seront organisées dans un délai de six mois, en juin 2010.
- Qu’aucun membre de la junte, ni aucune homme en tenue et en service, ne peut y prendre part.
- Que les élections seront supervisées par une personnalité religieuse, et par un premier ministre désigné par l’opposition.
Avec une telle conclusion, on ne peut que se féliciter de la vigilance et de la détermination de la communauté internationale à traquer les criminels et les tyrans qui oppriment leurs peuples, et à leur faire payer pour leurs crimes.

Chronique d’une justice internationale à deux vitesses
Pourquoi Dadis Camara, et pourquoi pas Paul Biya ?
L’acharnement de la communauté internationale contre Dadis Camara et les membres de la junte militaire en Guinée aurait porté toute sa valeur pédagogique et juridique si les mêmes institutions internationales, les mêmes pays, personnalités et organisations avaient traité les victimes des massacres commis au mois de février 2008 par le dictateur Paul Biya, avec la même considération.
En 3 jours, il y eu 130 morts, plusieurs exécutions sommaires, plus de 1000 blessés et des milliers d’arrestations au nez et à la barbe de la communauté internationale et leurs représentants à Yaoundé, qui ont laissé faire sans réagir, se rendant ainsi coupable de complicité de crimes contre l’humanité au pire, et de non assistance à personnes en danger au mieux. Malgré la durée des massacres, malgré les images de terribles atrocités diffusées par les journaux locaux, les chaînes de télévision privées, malgré les rapports détaillés, précis et pertinents des organisations locales des droits de l’homme comme l’ ACAT , l’ONDH etc., et malgré les appels de détresse en direction de la communauté internationale, le peuple Camerounais fut abandonné à son triste sort. Ainsi, Paul Biya et sa clique ont eu le macabre loisir et le temps d’aller narguer les familles des victimes à la télévision nationale.
Human Right Watch, qui s’était empressé d’envoyer à Conakry jusqu'à quatre de ses enquêteurs, a estimé sans doute que les massacres commis par Paul Biya et les victimes n’avaient pas la même importance. L’Union Africaine, qui a donné tout juste quelques jours à Dadis Camara pour quitter le pouvoir, a joué de la solidarité avec l’oppresseur de Yaoundé. Ban Ki-moon, le Conseil de Sécurité, Hillary Clinton et tous les donneurs de leçons qu’on a vu s’acharner sur les militaires Guinéens, avaient d’autres chats à fouetter pendant les massacres de février 2008. Alors que l’Union Européenne suspendait ses aides à la Guinée et interdisait de séjour les membres de la junte sur le sol européen, Paul Biya avait le privilège du tapis rouge à l’Elysee, ou il était reçu en visite officielle avec faste par Nicolas Sarkozy, qui a déployé plusieurs unités de la police pour la protection du tyran. Paul Biya a continué sans obstacle ses orgies dans les hôtels de Genève et de La Baule, ou il dilapide sans compter, avec sa basse-cour, l’argent volé à ses victimes. Pour le remercier pour les centaines de millions engloutis à la Baule, le maire de ville n’a pas hésité à lui accorder le statut de « citoyen secondaire ». Pas une phrase, pas un mot de Bernard Kouchner, le nouveau rambo des tropiques, qui a pourtant appelé ouvertement au départ de la junte de Guinée, et au « respect des aspirations légitimes et démocratiques du peuple guinéen à choisir librement ses dirigeants ». Bien entendu, pour Kouchner, pour les autres bien-pensants occidentaux, pour les faiseurs de destin des Peuples, «les aspirations légitimes et démocratiques » n’ont pas la même signification lorsqu’il s’agit du peuple Camerounais.
Sans doute que dans l’intention du procureur général de la cour pénale internationale, Monsieur Luis Moreno Ocampo, qui avait annoncée que « les massacres commis par la junte militaire guinéenne étaient sous investigation, pour « voir » si cela entre dans le cadre du crime contre l’humanité tel que décrit par les instruments du droit international », il n’y avait pas aucune urgence à adopter une telle position sur les massacres du Cameroun.
Dadis Camara est sans doute un bourreau, et rien n’expliquait la boucherie du Stade du 28 septembre à Conakry. Nous avons été tous choqués par les images atroces que les media occidentaux se sont empressés de diffuser pendant des jours, parfois en boucle, pour mieux marquer les esprits, même si ces mêmes media n’ont trouvé aucune utilité à diffuser les images des massacres de février 2008. Et c’est ici que le délit d’une justice internationale à tête chercheuse apparaît dans toute sa clarté. Ainsi, pour s’assurer de l’impunité, voir du soutien des Nations Unies, de l’Européenne et de toutes ces institutions qui appauvrissent l’Afrique, il faut faire comme le tyran Paul Biya : Puiser abondamment dans les caisses publiques pour financer les sectes en Europe, claquer l’argent volé aux peuples dans le lustre des grands hôtels européens, gonfler les comptes dans les paradis fiscaux, et surtout, ne faire aucune obstruction aux intérêts mafieux des parrains de la Françafrique
Maintenant que Paul Biya a modifié la constitution après les massacres de février 2008, et conscient de son impunité, il travaille en ce moment sur la mise en place des autres structures de répression, qui vont commettre d’autres massacres après les élections présidentielles qu’il va bientôt organiser, et qu’il va gagner contre vents et marées. Ces massacres potentiels, et presque certains, viendront s’ajouter aux nombreux autres massacres que Paul Biya commet depuis au moins 1990, et pour lesquels il croit n’avoir de compte a rendre à personne

Non à l’impunité de Paul Biya, non à une justice internationale à deux vitesses, non à la prescription des crimes commis au Cameroun..
A l’occasion du deuxième anniversaire des massacres de février 2008, le CODE, dans le cadre de la commémoration annuelle en la Mémoire des victimes:
- Lance à partir du 26 janvier 2010, une campagne internationale pour exiger l’inculpation de Paul Biya, car, il y a des risques graves que les crimes commis au Cameroun soient frappés de prescription, et restent de ce fait impunis.
- Affirme que l’impunité est un deuxième crime contre les victimes de massacres et que la communauté internationale ne peut se rendre couple d’un tel délit.
- Dénonce la justice à deux vitesses appliquée par les Nations Unies et toutes les autres institutions internationales, et leur mépris à l’égard des victimes des massacres de février 2008.
- Appelle toutes les organisations Patriotiques de la Diaspora Camerounaises à s’unir dans cette démarche.
Brice Nitcheu, Président du CODE
Londres, le 17 janvier 2010

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