Un système de déperdition successive
Dans le système politique camerounais, les lois proviennent essentiellement de l’exécutif (projets de lois), et l’Assemblée Nationale apparaît comme une simple chambre d’enregistrement. Les députés ont essentiellement pour rôle de faire passer en force les textes préparés par l’exécutif : les lois sont donc votées par le parlement à l’unanimité, sans amendement. Mais alors, un paradoxe s’est imposé et témoigne de la dictature de Monsieur BIYA sur le peuple camerounais : il bloque systématiquement les lois votés et promulguées par lui en ne prenant pas de décrets d’application.
Beaucoup de textes adoptés au Cameroun, parfois sous la pression de la communauté internationale ne sont jamais appliquées en l’absence de décrets d’application. Il en est ainsi notamment de l’article 66 de la Constitution, de la Charte des investissements pourtant modifiée à plusieurs reprises. Il y a de cela quelques jours, les députés camerounais ont voté deux importants textes, la loi sur la promotion des petites et moyennes entreprises au Cameroun, et la loi portant protection et promotion des personnes handicapées. Dans leur contenu, ces textes non encore promulgués par le Président de la République sont révolutionnaires. Les principes consacrés dans le premier peuvent contribuer à la réduction effective du chômage et de la pauvreté au Cameroun ; le second texte humanise et place le handicapé au cœur des préoccupations quotidiennes. Ces textes ont d’ailleurs été améliorés dans les commissions présidées par des spécialistes : Honorable NGALA Ester NTALA pour la Commission Affaires Culturelles, Sociales et Familiales (Cultural Affairs), et Honorable Pierre Etienne LEKENE DONFACK pour la Commission Production et Echanges (Production and Trade).
Le paradoxe camerounais qui consiste à ne pas prendre de décrets d’application pour vider de sa substance un texte va évidemment s’imposer pour ces deux textes qui ne seront jamais appliqués. Il s’agit d’une pratique bien connue chez le Président BIYA, celle de l’immobilisme, autre marque de sa dictature sur le peuple camerounais.
Le système est bien celui de la déperdition successive. La Constitution camerounaise elle-même consacre l’inertie à travers la notion de progressivité des textes. Par ailleurs, pour l’application de certaines de ses dispositions, la Constitution renvoie à la loi, la loi aux décrets, les décrets aux arrêtés, les arrêtés aux circulaires, etc. Cela signifie qu’une très bonne idée figurant dans un texte supérieur peut n’avoir aucun effet si les autorités chargées de prendre les textes d’application font de l’immobilisme.
Étymologiquement, le décret est une décision émise par une autorité souveraine. Il échoit donc valablement au pouvoir exécutif. Il existe plusieurs types de décret, à savoir les décrets autonomes, qui concernent les matières qui ne sont pas du domaine de la loi et les décrets d'application, qui précisent les modalités d'application d'une loi. Cette dernière catégorie suscite justement un attrait particulier en raison de son actualité controversée. En effet, au Cameroun, la technique des décrets d'application est devenue monnaie courante pour la plupart des lois adoptées par le législateur, promulguées par le Président de la République et publiées au Journal officiel ou dans un Journal d'annonces légales. Ces lois comportent des dispositions renvoyant à des décrets qui en précisent les modalités d'application. La phrase suivante est alors mentionnée à la fin de l'article concerné de la loi : "les modalités d'application du présent article seront précisées par un décret".
Le recours aux décrets d'application révèle évidemment un souci de précision des termes d'une loi de la part du pouvoir exécutif. Seulement, l'utilisation que l'on en fait cache bien souvent une intention pernicieuse de paralyser l'application d'une loi. Une question sous-jacente peut être celle de leur opportunité. D'une part, les décrets d'application sont des actes déclencheur et de précision des effets d'une loi, mais d'autre part, ce sont actes illusoires et pernicieux contre la loi.
Des actes déclencheurs et de précision des effets d'une loi
Lorsqu'une loi est soumise pour sont application est un décret d'application, ses effets sont momentanément suspendus à ce décret. Elle n'entrera donc en application qu'après le décret d'application. Il ne s'agit pas là d'une condition d'entrée en vigueur car elle est censée être en vigueur dès sa publication. Prise souvent en des termes généraux, la loi a besoin d'être précisée.
Le décret d'application a justement vocation à préciser les termes d'une loi, ses conditions d'application. L'intérêt de la technique réside dans le fait que la loi est la plupart du temps abstraite, prévoyant un certain nombre de situations en général. Les détails qui nécessitent souvent une étude et un volume important support de texte, ne trouvent pas, pour ainsi dire, d'intérêt à être insérés dans le corps de la loi elle-même. La technique des décrets d'application est donc utilitaire à la présentation des lois qui sont alors allégées en volume et compréhensible dans le contenu. Il est vrai que nombre de lois, bien moins consistantes en volume, sont de compréhension facile, alors même qu'elles n'ont pas été assorties d'un décret d'application. D'un autre côté, rien n'empêche le législateur de prendre tout son temps à bien étoffer une loi, quitte à faire un texte volumineux. Le décret d'application n'est donc pas absolument indispensable. Il est même parfois illusoire et pernicieux.
Mais des actes illusoires et pernicieux à l'égard de loi
Au Cameroun, les décrets d'application sont bien souvent illusoires, dans la mesure où leur émission n'est jamais automatique ; elle est même, pour être précis, aléatoire. Ainsi, beaucoup de lois demeurent en souffrance, dans l'attente d'un décret d'application, qui ne viendra qu'au gré des « grandes ambitions » du président BIYA. On peut raisonner en ce sens que si le pouvoir exécutif ne veut pas voir appliquer une loi, il la fait assortir d'un décret d'application, qui ne suivra jamais ou qui suivra longtemps après. Ce postulat traduit le contexte camerounais.
Il n'y pas que les décrets d'application qui fassent défaut dans le contexte camerounais. La Constitution renvoie souvent aux lois pour la création des conditions de mises en œuvre d'une institution qu'elle crée. C'est le cas des deux chambres du Parlement dont seul l'Assemblée Nationale fonctionne, le Sénat n’ayant pas eu de place pour des raisons illusoires ; C'est aussi le cas du Conseil constitutionnel qui n’a jamais été mis en place et dont les prérogatives continuent d'être exercées par la Cour suprême ; C'est encore le cas de l'organisation judiciaire en matière administrative, qui continue d'être forcée avec la Chambre administrative de la Cour suprême et son Assemblée plénière.
Tout ces actes illusoires du Président BIYA sont de nature à tuer de nobles ambitions manifestées par le Constituant, qui perd ainsi de sont autorité dans la hiérarchie des normes juridiques. Il n'y a qu'à voir toute la dérive qui entoure l'article 66 de la Constitution camerounaise, à cause de l'absence d'un texte d'application. Une telle approche de l'esprit démocratique des représentants du peuple est alors invalidée par le régime en place, faute d'application. Cela autorise à penser un effet pernicieux à l'égard de la loi prise au sens large.
En effet, à partir du moment où l'application d'une loi est conditionnée par un décret d'application ou tout autre texte d'application qui ne sera jamais pris, il y a une intention maléfique de tuer la loi. Il résulte d'une telle technique indubitablement une inversion de la hiérarchie des normes juridiques. Les normes inférieures s'avèrent au dessus des normes supérieures.
Les solutions sont pourtant simples. On pourrait enfermer la prise des décrets d’application dans un délai précis, et prévoir que si le décret n’est pas pris dans ce délai, la loi s’applique d’office. On peut également préparer en même temps la loi et ses décrets d’application, et prendre ces derniers immédiatement après la promulgation de la loi.
Comme quoi, si la bonne personne était à la place qu’il fallait, les choses pourraient s’améliorer, dans l’intérêt du peuple camerounais.
© Pr. Agrégé Jean GATSI, Président national du Mouvement Pour la Libération des Camerounais (MPLC).
Cela veut dire que le professeur LEKENE est toujours au Cameroun et participe aux travaux parlementaires. certains avaient soutenu le contraire ces derniers temps. Quel pays de mensonges et de fous ?
RépondreSupprimerl'honorable professeur Lékéné Donfack ne fait jamais de commentaires ni de démentis sur les affabulations des journalistes et nous montre ainsi qu'il reste dans une certaine grandeur..messieurs les petits écrivaillons prenez-en de la graine
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